La Loi RILHAC est déjà passée deux fois en lecture à l’Assemblée nationale et sera discutée la semaine prochaine au Sénat, là aussi en seconde lecture.

Comme les deux assemblées ont à chaque fois modifié la proposition de loi (on peut supposer à cette heure que le Sénat validera la semaine prochaine en séance publique les modifications apportées mercredi dernier en commission notamment la certification nécessaire pour diriger une école à décharge totale), le texte fait la navette entre les deux hémicycles depuis juin 2020.

Bientôt 16 mois donc que la proposition de loi créant la fonction de directrice ou directeur d’école est étudiée, amendée, votée. Quelques articles ont été cependant mis en oeuvre dans certaines académies (choix d’un référent départemental des directeurs, groupe de travail comprenant des directeurs) sans attendre le vote définitif.

Nous nous posons tous la question du tempo futur de cette loi en sachant qu’en février 2022, l’Assemblée nationale arrêtera ses travaux, votes et autres commissions en raison des élections présidentielles puis législatives d’avril et juin 2022.

Il reste donc quatre mois pour enfin que cette loi puisse être votée. Il faudra ensuite près de six mois pour finaliser les décrets d’application.

Le choix des sénateurs d’amender le texte cette semaine va obliger la mise en place d’une commission mixte paritaire (CMP) qui étudiera le texte mais qu’est-ce que la CMP ?

Décryptage dans cet article.

La CMP est née avec la Ve République. Depuis 1959, 20% des lois ont été adoptées en CMP, 70% furent adoptées en termes identiques à l’issue de la navette (ce qui ne sera sans doute pas le cas de la Loi RILHAC) et 10% des lois ont été validées par l’Assemblée nationale en 3ème et dernière lecture après échec de la CMP.

La décision d’aller en CMP appartient au Premier ministre et aux présidents des deux assemblées conjointement pour les propositions de lois depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

La décision d’aller en CMP ne peut être prise formellement que lorsqu’un désaccord entre les deux assemblées est constaté :

• après au moins deux lectures dans chacune des assemblées (Cas envisagé pour la Loi RILHAC) ;

• après une seule lecture dans chaque assemblée lorsque le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et que les Conférences des Présidents ne s’y sont pas opposées ou lorsqu’il s’agit du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour lesquels la procédure accélérée est de droit.

Les assemblées sont informées de la demande de réunion de la CMP.

Le Premier ministre informe les assemblées de sa décision par une lettre, adressée à leurs présidents et lue en séance publique.

Lorsque les présidents des deux assemblées utilisent leur faculté de provoquer la réunion d’une CMP, ils en informent le Premier ministre par courrier ainsi que leur assemblée respective par une annonce lue en séance publique.

La composition de la délégation de chaque assemblée:

Le nombre de ces représentants a été fixé, en accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, à sept titulaires et à sept suppléants pour chaque assemblée.

La composition de la délégation de chaque assemblée obéit à des considérations techniques, politiques et d’équilibre entre les groupes :

• considérations techniques : font partie de la délégation le président et le rapporteur de la commission saisie au fond de l’examen du texte ainsi que, le cas échéant, le ou les rapporteurs de la ou des commissions saisie(s) pour avis.

• considérations politiques : il s’agit ici de déterminer le nombre de sièges attribués à l’opposition et à la majorité de chaque assemblée. En général, la majorité a 4 représentants et l’opposition 3 (Sénat par exemple).

• considérations d’équilibre entre les groupes : compte tenu des deux paramètres précédents, les sièges sont attribués, au sein de la délégation de chaque assemblée, en proportion de l’importance des groupes de chaque assemblée.

Les candidats désignés par la commission n’en sont pas nécessairement membres, même si, en pratique (exception faite des rapporteurs pour avis), ce cas de figure se présente très rarement.

La convocation de la CMP

Chaque membre désigné pour faire partie de la CMP reçoit une convocation signée par le doyen d’âge de chaque délégation (Sénat et Assemblée nationale).

Le Gouvernement ne fixe aucun délai pour la réunion de la CMP. Mais en pratique, l’ordre du jour de la séance plénière établi par la Conférence des Présidents commande la date de cette réunion.

Les CMP se réunissent alternativement dans les locaux de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Les règles de la discussion et du vote en CMP

La détermination du champ de la discussion

L’objet de la réunion de la CMP est de « proposer un texte sur les dispositions restant en discussion », c’est-à-dire les dispositions « qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par l’une et l’autre assemblée ». Ce qui signifie que pour la Loi RILHAC, la CMP porterait sur les articles 1, 2 et 2 bis uniquement.

Préalablement à la réunion de la CMP, il convient donc que les fonctionnaires des commissions concernées préparent un tableau comparatif des dispositions non encore adoptées conformes par l’une et l’autre assemblée. Ce tableau comparatif sera l’outil de base des discussions de la CMP.

Une fois le Bureau de la CMP constitué, le président donne en général la parole aux deux rapporteurs pour qu’ils rappellent successivement à la CMP les positions prises par leurs assemblées respectives et les motifs des désaccords persistants.

La notion de « dispositions restant en discussion » ne doit enfin pas être entendue de façon trop rigide : il est admis que des dispositions déjà adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées – et donc en principe non soumises à la CMP – peuvent être réécrites par elle pour des raisons de coordination rédactionnelle ou de cohérence.

L’organisation de la discussion

Il n’existe pas de règle véritablement impérative pour le déroulement de la discussion en CMP. Chaque CMP organise librement ses travaux en fonction des circonstances de l’espèce. La pratique généralement observée est cependant la suivante :

• le texte, base de la discussion, est le dernier texte voté, c’est-à-dire celui adopté par la dernière assemblée saisie avant la réunion de la CMP ;

• la discussion se déroule article par article, en principe dans leur ordre numérique. Mais cet ordre est modifié sans formalité particulière s’il apparaît que cette modification est de nature à faciliter un accord ;

• les propositions de rédaction ne sont pas formellement des amendements. Elles n’obéissent à aucun formalisme particulier. Présentées par les rapporteurs ou l’un d’eux, elles peuvent être modifiées lors de leur examen sur proposition des membres de la CMP. Le Gouvernement ne peut déposer aucune proposition de rédaction. Ces propositions de rédaction sont soumises à la règle de l’entonnoir et ne doivent pas être contraire à l’article 40 de la Constitution (irrecevabilité financière).

Les procédures de vote

Lors des votes, il convient de veiller rigoureusement au respect de l’équilibre des votants entre, d’une part, les membres de chaque assemblée et, d’autre part, la pondération majorité/opposition.

Les règlements parlementaires précisent que les suppléants ne sont appelés à voter que dans la mesure nécessaire au maintien de la parité entre les deux assemblées. Les votes se déroulent – sauf circonstances tout à fait exceptionnelles – à main levée.

En cas d’égalité de voix, la proposition de loi (ou l’article) n’est pas adoptée. Il nous faut donc espérer qu’un compromis puisse être trouvé lors de cette CMP et ainsi empêcher une nouvelle navette de la proposition de loi qui nous oblige à attendre une nouvelle fois, la reconnaissance de notre métier que nous réclamons tous.

Gonfaron, samedi 16 octobre 2021, Thierry PAJOT, SG du #S2DÉ

Source : Sénat.fr