Après une longue obstruction, le ministère de l’Éducation nationale a été contraint de publier l’Indice de Position Sociale (IPS) des écoles élémentaires (ou primaire avec plusieurs CM2 depuis au moins 5 années) et collèges. Cet indice existe depuis 2016.

Un IPS est attribué à chaque profession. Les valeurs possibles s’étendent de 38 (profession du père non renseignée et mère au chômage n’ayant jamais travaillé) à 179 (père ingénieur et mère professeure des écoles).

Condamné le 13 juillet 2022, par le tribunal administratif de Paris, à transmettre les données relatives à l’indice de position sociale des collèges et des écoles, le ministère s’est finalement exécuté le 12 octobre après une longue procédure enclenchée par le journaliste Alexandre LÉCHENET : requête auprès de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) puis recours auprès du tribunal administratif pour contraindre le ministère à la transparence.

Les données 2021-2022 sont donc désormais disponibles par école et par collège sur le site open data de l’Education nationale dont voici le lien ⤵️

https://data.education.gouv.fr/explore/dataset/fr-en-ips_ecoles/table/?disjunctive.academie&disjunctive.code_du_departement&disjunctive.departement&disjunctive.uai&disjunctive.code_insee_de_la_commune&disjunctive.nom_de_la_commune&disjunctive.secteur&sort=nom_de_la_commune

Le ministère craignait en effet que la transparence sur ces informations ne renforce le phénomène d’évitement scolaire des écoles et collèges à l’indice le plus bas. 

Comment est construit cet indice ?

De fait, l’IPS permet de décrire les inégalités sociales à l’école mais surtout, de savoir si les élèves sont en moyenne issus d’un milieu social favorable à la réussite scolaire. Diplôme des parents, conditions matérielles, capital et pratiques culturelles… sont ainsi synthétisés et rapportés à la profession et catégorie sociale des parents.

Les directeurs d’école sont souvent à la manoeuvre lors de l’inscription d’un nouvel élève pour demander la profession des parents et compléter ainsi ONDE, mais ce sont les données récupérées en 6ème qui détermineront l’IPS des écoles.

La valeur de l’IPS de chaque élève est donc d’autant plus élevée que les professions des parents sont considérées favorables à la réussite scolaire de l’élève.

Inversement, plus il est faible, plus les élèves proviennent d’un milieu social défavorisé.

L’IPS communiqué par le MEN correspond à la moyenne des IPS de tous les élèves de l’établissement. Ce jeu de données ne permet pas, en revanche, de mesurer le degré de mixité sociale des établissements proches de la moyenne, puisque l’on ne connaît pas la dispersion de l’indice (écart type) au sein de chaque établissement. Il permet par contre de bien cerner la population des établissements situés dans les extrêmes.

Des écarts de 1 à 3 pour les écoles !

L’indice moyen pour les écoles élémentaires (public et privé confondus), en 2021-2022 est de 102,77. Mais il varie de un à trois, montrant l’étendue des inégalités sur le territoire français.

Il passe ainsi de 49,6 pour une école de Maripasoula en Guyane à 155,6 pour une école élémentaire publique de Buc dans les Yvelines.

Si près de 20% des écoles en France ont un IPS inférieur à 90, certains territoires concentrent les inégalités beaucoup plus que d’autres.

En France Métropolitaine, c’est la Seine-Saint-Denis qui détient le record, avec 61% des écoles élémentaires en deçà d’un IPS de 90.

Viennent ensuite les départements du nord de la France : la Somme, le Nord, le Pas-de-Calais, l’Aisne et les Ardennes, avec près de 40% des écoles dans ce cas.

A l’autre bout du spectre, seulement 1,2% des écoles affichent un IPS supérieur à 140.

Des écoles qui sont particulièrement nombreuses à Paris, et dans l’Ouest parisien. Paris en compte en effet 15,5%, les Yvelines, 14,4% et les Hauts-de-Seine 14,1%. Tous les autres départements en dénombrent moins de 4%.

Le privé concentre les familles favorisées

Contrairement à ce qu’affirment les représentants de l’enseignement privé catholique, qui s’insurgent régulièrement contre le “cliché de l’établissement élitiste”, les écoles et collèges privés sous contrat concentrent bel et bien les familles les plus aisées.

Dans les écoles comme dans les collèges, plus l’IPS est haut, plus la part du privé sous contrat est importante. Alors que l’on compte 14,1% d’écoles privées sous contrat, elles ne constituent que 3,2% des écoles ayant un IPS inférieur à 90 mais 60,3% des écoles avec un IPS supérieur à 140.
Ainsi, à Paris, 78% des écoles privées sous contrat ont un IPS supérieur à 130, quand cela ne concerne que 40% des écoles publiques.

Le problème des écoles “orphelines

Autre enseignement de ces données ouvertes : avoir un IPS inférieur à 90 ne garantit pas à l’établissement ou à l’école les moyens supplémentaires destinés aux écoles et collèges en Réseaux d’éducation prioritaire (REP).

Ainsi, près de la moitié des écoles présentant un IPS inférieur à 90, avec des élèves très défavorisés, sont hors éducation prioritaire.

Seule la moitié des écoles, dont l’IPS est inférieur à 90, est classée en réseaux d’éducation prioritaire.

Sources : OpenData MEN + Gazette des Communes + La Voix du Nord, mise en forme de Thierry PAJOT, Epinal, 2 novembre 2022