
La Loi “RILHAC” du nom de la députée Cécile RILHAC qui a porté cette loi, a été votée définitivement le 21 décembre 2021 dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale par une large majorité des députés présents lors cet ultime scrutin.
Notre jeune syndicat s’était félicité, comme plusieurs autres Organisations Syndicales ou Groupes de directeurs, de cette loi, qui créait enfin la fonction de directrice ou directeur d’école.
La pandémie Covid avait mis en effet à jour la présence quotidienne et le travail sans relâche des 44 000 directrices et directeurs afin de permettre l’ouverture des écoles, d’assurer la continuité pédagogique et l’application changeante des nombreux protocoles sanitaires qui se sont succédés depuis mars 2020.
Notre travail de l’ombre était donc reconnu enfin par le législateur, certes tardivement au regard des souffrances vécues par de nombreux collègues depuis des dizaines d’années, mais la loi et les discussions préalables avaient permis de cerner concrètement la réalité difficile de notre métier et de le mettre en avant médiatiquement.
Le temps de la formule “un directeur est un enseignant parmi les autres” était donc bel et bien caduque, idée d’un autre temps, idée tellement loin du quotidien de la gestion d’une école que défendent pourtant encore aujourd’hui des syndicats de manière incompréhensible.
Nous sommes en effet responsables de tout mais sans aucun pouvoir ni réelle considération financière.
Celui qui signe tout document est le directeur d’école et non le conseil des maîtres, celui qui dialogue avec la collectivité en charge de l’école est le directeur et non le conseil des maîtres, celui qui reçoit les demandes de la hiérarchie est le directeur, celui qui fait l’interface entre les familles et les collègues est le directeur, celui qui sera pénalement responsable en cas de problème sera le directeur…
Le 21 décembre 2021, les articles votés allaient permettre de mieux vivre notre métier : une délégation de pouvoirs des IEN pour une gestion plus efficiente de nos écoles par une autorité fonctionnelle, une meilleure rémunération grâce à une grille spécifique pour les directeurs, une simplification de tâches chronophages comme les élections des délégués des parents d’élèves au conseil d’école ou la fin de la rédaction complète et entière des PPMS, la fin des APC pour les directeurs, la création de référents directeurs dans chaque département… Il suffisait d’attendre les décrets pour que cette volonté du législateur devienne réelle.
Mais un an après, rien ou si peu.
Il a fallu ainsi que notre syndicat écrive au ministère pour indiquer que certaines DSDEN faisaient fi de la loi et maintenaient l’obligation des APC pour les directeurs faute d’un décret alors que l’article de loi se suffisait à lui-même pour une application pleine et entière.
Il a fallu également que nous écrivions à de nombreux IEN pour leur rappeler que le conseil des maitres gérait sous la signature du directeur, les maintiens, les structures d’école sans leur aval que certains estiment toujours obligatoire.
Tellement peu donc.
Rien sur l’autorité fonctionnelle, rien sur une meilleure rémunération des directeurs d’école (sauf quelques euros mensuels donnés par le précédent ministre), rien sur un calendrier prévisionnel de l’amélioration des décharges d’enseignement, rien sur la mise en place d’un vote électronique, rien sur les PPMS et leur mise en place par les collectivités.
Rien, mépris et indifférence du ministre.
Dans toutes les écoles de France, la confiance dans la loi “RILHAC” pour reconnaître enfin notre métier n’est donc plus d’actualité, un an après.
De toutes les écoles de France, la colère monte.
Depuis toujours, les directrices et directeurs avaient pourtant toujours répondu aux demandes institutionnelles, avaient oeuvré pour permettre aux millions d’élèves d’entrer chaque matin dans dans des écoles accueillantes, avaient accepté de travailler les soirs et les weekends.
Mais rien, mépris et indifférence.
Et, pire, depuis quelques semaines, les directeurs d’école découvrent qu’ils peuvent être d’astreinte en cas de délestage de leur école le lendemain et devront donc prévenir leurs parents d’élèves dès connaissance, donc en soirée, de la fermeture de leur école.
Là aussi, des DSDEN donnent déjà, en anticipant, des protocoles, réunissent par visio des directeurs, indiquent des horaires où ils se devront d’être disponibles pour prévenir les familles.
Le ministère se dit, sans doute, que nous obéirons comme toujours, se dit que nous ferons comme toujours, se dit que les 44 000 directrices et directeurs sauront appliquer comme toujours les consignes venues d’en haut sans mot dire, sans rechigner. Tout cela parce que nous aimons notre métier, parce que nous comprenons les familles, parce que nous ne pouvons pas laisser des millions d’élèves sans instruction ni mode de garde.
Les échanges entre directeurs sur les réseaux sociaux augmentent fortement depuis quelques semaines ; les sujets sont la fatigue, les tâches demandées, les injonctions de la hiérarchie, des incompréhensions face à des fermetures ou des fusions d’école décidées sans prévenir les collègues, le ras-le-bol de la profession est à son paroxysme.
La première conséquence se verra dans quelques mois avec le nombre de directions vacantes après le mouvement des titulaires ; il dépassera sans aucun doute les 8% habituels, ce qui représente pourtant près de 4 000 directions vacantes chaque année ; car de la colère vont naître du mépris et de l’indifférence et beaucoup vont renoncer alors à la direction en ayant le sentiment de ne pas être entendus.
En outre, dans certains départements, il est demandé depuis quelques jours aux directeurs titulaires actuellement en poste, de s’inscrire de nouveau sur la liste d’aptitude si ils souhaitent demander une autre direction au mouvement interdépartemental. Incompréhension.
A contrario, l’administration nous en pense bizarrement capables si nous restons sur la même direction… Les DSDEN qui donnent ces directives le justifient par rapport aux décrets de la loi “RILHAC”, qui pourtant ne mentionnent pas ce détail d’être inscrit sur une liste d’aptitude afin de postuler à une autre direction si nous sommes déjà titulaire de notre poste.
Que dire également de la formation hors temps scolaire pour les futurs directeurs afin de postuler à la liste d’aptitude, formation qui va de quelques heures hors temps scolaire dans certains départements à 72 heures dans d’autres y compris durant les vacances de février ? Nouvelle incompréhension. Nouvelle méprise.
Au printemps prochain, nous battrons donc un record : celui des postes de direction vacants. Dans les écoles, un directeur sera nommé, ou on le lui imposera. Ce collègue ne sera ni sur la liste d’aptitude, ni préalablement formé alors que dans l’année scolaire 2022/2023, des collègues auront été empêchés ou jugés non aptes.
Il y a un an, le 21 décembre 2021, naissait donc la fonction de directrice ou directeur d’école avec des espoirs, certes limités, mais qui donnaient une envie réelle d’arriver ou de rester à la tête d’une école ; un an après, l’indifférence du ministère sur la direction d’école est ressentie comme du mépris vis-à-vis de ceux qui jusque là avaient tout fait pour garantir l’instruction des élèves. Sans rien dire. Ce temps est révolu.
Face à l’inaction ministérielle, la colère des 44 000 directrices et directeurs monte et, un jour prochain, ils oseront dire “Non” et déserteront ainsi leurs écoles.
PS : le Syndicat des Directrices et Directeurs d’École a demandé au Cabinet du ministre de l’Éducation Nationale un rendez-vous pour exprimer les attentes des collègues notamment sur les protocoles délestages, le rendez-vous a été demandé le 4 décembre 2022. Sans réponse à ce jour. Le Syndicat des Directrices et Directeurs d’École avait également demandé au Ministère de l’Éducation Nationale une parution rapide des décrets en novembre 2022…
Thierry PAJOT, Secrétaire Général, Gonfaron, 22 décembre 2022