Mercredi 13 janvier, le Rassemblement National profitait de sa “Niche Parlementaire” pour proposer à l’initiative de son député Roger CHUDEAU une Proposition de Loi visant à instituer un uniforme dans les écoles et les collèges.

EXPOSÉ DES MOTIFS DE CETTE PPL

“Mesdames, Messieurs,

Aux termes de l’article L. 111‑1 du code de l’Éducation : « le service public d’éducation…/… contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative ».

L’École ne connaît que des élèves, sans que soient prises en compte ni considérées leur origine sociale ou culturelle, ni les opinions ou orientations philosophiques ou religieuses de leurs parents. Le projet de l’école de la République depuis ses origines est de former des citoyens également instruits et également capables d’exercer leur libre arbitre.

L’existence au sein des établissements, de marqueurs sociaux qui distinguent les élèves entre eux et révèlent les différences de niveau de fortune de leurs parents, vient contrarier cette ambition républicaine. Dans la vie scolaire ces marqueurs vestimentaires attisent aussi souvent jalousies et rivalités pouvant conduire à des tensions voire à des violences entre élèves.

Enfin, les tentatives répétées d’imposer dans les établissements publics des tenues à caractère religieux ou ethnique seront rendues vaines par l’adoption d’une tenue uniforme pour tous les élèves.

La présente proposition de loi vise à instituer et à rendre obligatoire sur le temps scolaire le port d’une tenue uniforme dans les écoles et collèges publics.

Cette tenue serait aux couleurs de l’établissement, c’est‑à‑dire que sa nature (tissu, coupe, couleur, etc.), sera définie par les instances de l’école ou du collège en lien avec la communauté éducative.”

Roger CHUDEAU, député, nommé rapporteur le 7 décembre 2022 de la PPL n°254.

PROPOSITION DE LOI DÉPOSÉE

Article unique

L’article L. 111‑2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement scolaire est obligatoire durant le temps scolaire pour les élèves des écoles et collèges publics. Cette tenue, par sa neutralité, vise à abolir dans l’établissement les distinctions sociales ou culturelles à caractère vestimentaire. »

PPL ÉTUDIÉE EN COMMISSION LE 20 DÉCEMBRE 2022

Le 20 décembre dernier, la Proposition de Loi était étudiée en Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation suite au rapport du député CHUDEAU.

Voici le lien du compte-rendu de ce passage en commission :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b0611_rapport-fond

La commission votait après discussion, à la majorité des membres présents, des amendements qui faisaient tomber l’article unique et rejetait ainsi cette PPL.

LA PPL ÉTUDIÉE DANS L’HÉMICYCLE

Mercredi 13 janvier 2023, la PPL est étudiée dans l’Assemblée, voici l’intégralité du compte-rendu des débats, elle sera rejetée comme en commission mais de justesse ici par 105 voix contre 91 (par le vote d’un amendement qui fera tomber de facto l’article unique) :

Mme la présidente.

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instituer dans les écoles et collèges publics le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement scolaire (nos 254, 611).

Mme la présidente.

La parole est à M. Roger Chudeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Benjamin Lucas.

Entre ici, Brigitte Macron, avec ton terrible cortège d’uniformes !

M. Rodrigo Arenas.

Où est le ministre de l’éducation ?

M. Roger Chudeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est réunie le mercredi 14 décembre pour examiner la proposition de loi visant à instaurer le port obligatoire d’une tenue uniforme d’établissement pour les écoliers et les collégiens de l’enseignement public. Après deux heures de débat, elle a rejeté le texte.

M. Benjamin Lucas.

Bravo !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Ce vote de rejet a réuni, pour l’essentiel, des voix de la NUPES et du groupe Renaissance. En revanche, les membres des groupes RN et LR de la commission ont voté pour l’adoption de la proposition de loi.
Il serait inutile et oiseux de commenter longuement ce vote de rejet, tant la collusion des libéraux et des libertaires est évidente, dans l’hémicycle, depuis le début de la législature. (M. Benjamin Lucas sourit.) Ce qui les réunit est simple : la détestation de ce qu’ils appellent « l’ancien monde », qui est en réalité notre civilisation, notre culture et notre identité même.

Mme Sophie Taillé-Polian.

Ce n’est pas vrai, il n’y a jamais eu d’uniforme dans nos écoles !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

On pourrait donc penser que tout débat sur cette proposition de loi est vain dans l’hémicycle, mais je ne le crois pas : je ne renonce pas à défendre un texte qui va dans le sens du bien commun, et qui contribuera, à sa modeste mesure, à redresser la barre du navire sans cap, sans pilote et sans boussole qu’est devenu notre système éducatif. Je veux croire que les appartenances partisanes peuvent être transcendées lorsque l’intérêt général commande.

M. Maxime Minot.

La preuve : même Brigitte Macron l’a dit !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Pour aborder l’examen de cette proposition de loi, je voudrais vous convier à prendre un peu de recul, afin de la replacer dans son contexte. La IIIe République a voulu une école publique et laïque, ainsi qu’une instruction obligatoire et gratuite, dispensant un enseignement de nature scientifique, dans une visée émancipatrice et progressiste inspirée des universaux des Lumières.

M. Antoine Léaument.

Vous voulez en revenir à Napoléon III !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

L’obligation scolaire s’est imposée malgré la famille, contre la famille. Le devoir d’éducation de la famille, codifié de longue date, a été comme supplanté par l’impératif d’instruction – il suffit de se reporter aux débats qui ont accompagné l’adoption des lois scolaires pour s’en persuader. Pensons aussi aux maisons de l’égalité saint-simoniennes, qui entendaient interner les enfants de 5 à 12 ans pour les arracher aux influences familiales.
L’obligation scolaire a également été instituée contre l’Église catholique, puisqu’elle fut immédiatement laïque : les cours de religion furent remplacés par des cours d’instruction morale et civique, et les maîtres d’école devaient être des laïcs.

M. Benjamin Lucas.

C’est pourtant vous qui étiez dans la rue en 1984 !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Rappelons enfin que Jules Ferry considérait que si l’instituteur allemand avait apporté la victoire à la Prusse en 1871, « l’instituteur de la République préparera la revanche ».
L’école de la République se définit donc, dès l’origine, comme imperméable aux origines familiales et sociales, imperméable à toute religion, patriotique et civique, c’est-à-dire française. Il s’agit en réalité, à travers cette révolution scolaire, d’une révolution morale et d’un projet de création d’un monde nouveau.
Ce rappel historique remet en perspective les principes fondateurs et le projet de l’école de la République : il s’agit « d’instituer » – d’où le beau titre « d’instituteur », qu’il faudrait d’ailleurs rétablir –…

Un député du groupe RN.

Bravo !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

…un citoyen de la République française capable d’exercer son libre arbitre et de donner du sens à sa liberté dans une société démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Quand il entre dans une salle de classe, l’enfant entre dans un espace proprement politique, au sens premier du terme. Dans ce temple du savoir, où ne sont transmises que des vérités scientifiques, et les éléments constitutifs de notre histoire et du génie propre de notre civilisation, l’enfant est progressivement élevé – là aussi, au sens premier – par ses maîtres et par son propre travail, à la dignité de citoyen français.
Ce projet et cette ambition ont été respectés durant près d’un siècle. Les Compagnons de l’Université nouvelle de Charles Péguy, le Conseil national de la Résistance (CNR), le plan Langevin-Wallon et son idéal d’égalité des chances, la massification de l’enseignement secondaire – avec la scolarisation jusqu’à 16 ans instituée en 1959, durant les Trente Glorieuses –, ont poursuivi l’œuvre des pères fondateurs et produit une nation capable de surmonter d’immenses épreuves, et de se hisser au niveau des puissances du monde.
Mais comme à ses origines, l’école est aujourd’hui menacée par des forces centrifuges qui fragilisent le projet républicain initial, et qui mettent en péril, après des décennies de déconstruction, l’ensemble de l’édifice scolaire, et donc l’avenir de la nation.
Attardons-nous un instant sur la nature de ces forces centrifuges qui menacent notre école – et à travers elle, notre cohésion sociale et nationale. J’en identifie deux, apparemment divergentes mais réellement unies pour détruire le modèle républicain. La première est la marchandisation généralisée des échanges entre les humains. L’omniprésence d’une vision du monde centrée sur l’individu, considéré comme l’alpha et l’oméga, consommateur roi au sein d’un marché mondialisé, produit des effets délétères sur les comportements individuels. Les enfants passent en moyenne deux heures par jour sur TikTok, qui compte deux milliards d’abonnés, et dont les algorithmes sont destinés à développer le narcissisme des utilisateurs. Les élèves sont une pâte bien malléable pour les géants de l’internet – les Gafam – et pour tous les vecteurs de l’individualisme, de l’égocentrisme et du narcissisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

Les professeurs témoignent régulièrement des difficultés de concentration des élèves, ainsi que des tensions et des rivalités à propos de questions vestimentaires ou liées au style de vie. S’y ajoutent des harcèlements, et parfois de la violence. L’éparpillement mental et moral des élèves est tel, qu’il devient difficile de faire la classe et d’enseigner.

M. Sylvain Maillard.

L’uniforme n’y changera rien !

Un député du groupe RN.

Si !

M. Sylvain Maillard.

Je ne suis pas contre l’uniforme, mais ça n’a rien à voir !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

À l’inverse, comme en réaction au confusionnisme généralisé, une idéologie politico-religieuse prend pied peu à peu jusqu’au sein de l’institution scolaire. Dans les « territoires perdus de la République » et les « territoires conquis de l’islamisme », précisément documentés par Bernard Rougier, l’islamisme radical étend son emprise dans des centaines d’établissements.

M. Antoine Léaument.

Ah ! Vous avez tenu six minutes avant de parler d’islamisme !

M. Roger Chudeau.

Cette idéologie est de nature intrinsèquement totalitaire. La montée de l’islamisme dans nos établissements scolaires n’est pas un fantasme : elle est décrite par les personnels de l’éducation, par l’institution scolaire elle-même, par les organes de sécurité intérieure – dans des notes récentes –, mais aussi par le Président de la République, comme il l’a fait dans son discours sur le séparatisme aux Mureaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

Mme Nadia Hai.

Discours que vous aviez critiqué !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

L’école est une citadelle assiégée que menacent les chevaux de Troie des forces de la déconstruction et de la décomposition sociale de notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.) Nous avons le devoir de réagir sans plus attendre. Bien sûr, la présente proposition de loi ne prétend pas être la panacée, ni la solution aux innombrables maux dont souffre notre système éducatif.

M. Benjamin Lucas.

Elle n’est pas même la solution à certains maux !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Les débats de mardi dernier ont d’ailleurs clairement montré que l’école avait besoin d’une réforme systémique agissant sur de nombreux leviers : horaires, programmes, cursus, formation initiale des maîtres, organisation, pilotage, évaluation… Nous faisons ici un premier acte de résistance, symbolique, peut-être – mais qui peut nier la force du symbole quand tout vacille ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

La tenue uniforme d’établissement, ou « tenue vestimentaire réglementée », comme on l’appelle finement à la Martinique, fait de nos enfants, soumis au tourbillon et au vertige d’innombrables sollicitations, des élèves de l’enseignement public, institution d’éducation nationale.

M. Maxime Minot.

À la Martinique, ça se passe très bien !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Telle est, chers collègues, la portée de la proposition de loi que je soumets, avec l’ensemble du groupe Rassemblement national, à votre examen. Il s’agit d’une première pierre contribuant à la reconstruction de l’édifice de l’école publique.
Ce texte est tout simple ; sa portée, cependant, devrait être inversement proportionnelle à sa concision. Son article unique vise à instaurer une tenue uniforme d’établissement, obligatoire pour tous les écoliers et tous les collégiens de l’enseignement public. Il s’agirait d’une obligation légale, étant entendu que chaque conseil d’école et chaque conseil d’administration de collège arrêterait lui-même la coupe, la couleur et l’aspect de la tenue d’établissement : une tenue d’été, une tenue d’hiver et une tenue de sport. Le port de cette tenue uniforme serait obligatoire – uniquement durant le temps scolaire évidemment. La loi entrerait en application à la prochaine rentrée, ce qui permettra aux écoles, aux collèges et aux familles de prendre leurs dispositions d’ici à septembre.
Le signal qu’envoie cette proposition de loi est clair. Il est de nature symbolique, et s’incarne dans une déclinaison pratique : l’école de la République ne connaît que des élèves ; les distinctions sociales, de fortune ou de culture que manifestent les tenues civiles, comme autant de marqueurs sociaux et culturels, sont effacées symboliquement et pratiquement, puisqu’elles font place à une tenue aux couleurs de l’établissement. Lorsqu’un enfant franchit le seuil de son école, il change de statut : il devient un élève, et il en revêt la tenue. Cette tenue, partout où elle est déjà portée – à la Martinique par 98 % des collégiens et des lycéens, ainsi que dans certains établissements publics de la métropole –, est un motif de fierté pour les élèves, car elle les identifie à l’institution qui leur enseigne, qui les éduque et qui les fait grandir.

M. Maxime Minot.

Eh oui !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Finies, les rivalités, les guéguerres de marques de vêtements ou de chaussures ; finis, les petits rackets ; finies aussi, les tentatives d’imposer des tenues de facture religieuse dans les collèges publics. L’école redevient, visuellement et symboliquement, le sanctuaire républicain du savoir, du travail scolaire, de la construction de l’intelligence et de l’autonomie de l’élève qu’elle doit être. Jean Zay n’écrivait-il pas, dans sa circulaire du 31 décembre 1936 :…

M. Benjamin Lucas.

Jean Zay, tué par la Milice !

M. Roger Chudeau.

…« Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. Quentin Bataillon.

Ah non, ne citez pas Jean Zay !

M. Benjamin Lucas.

Vous citez Jean Zay, quelle indécence ! Vous êtes les héritiers de ses assassins !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Je veux croire que concernant ce texte, une majorité est possible.

Un député.

Avec qui ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Les Républicains ont déjà défendu sept propositions de loi, et nous avons même eu le renfort inattendu et bienvenu de Mme Macron. Nous pouvons dépasser nos clivages partisans pour voter ce texte. (Mmes et MM. les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

Un député du groupe RN.

Où est le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ?

M. Benjamin Lucas.

Ce n’est pas Mme Macron ?

M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

Je tiens tout d’abord à excuser le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, M. Pap Ndiaye, qui fait au plus vite pour nous rejoindre et débattre de cette proposition de loi.

M. Jean-François Coulomme.

Avec Brigitte ?

M. Maxime Minot.

Brigitte Macron nous rejoint-elle ?

M. Franck Riester, ministre délégué.

Permettez-moi d’avoir une pensée émue pour Lucas, élève du collège Louis-Armand, à Golbey, ainsi que pour sa famille et pour ses proches. Victime de harcèlement, il s’est donné la mort à 13 ans. Aucun enfant ne devrait trouver comme issue ultime le suicide. Aucun enfant ne devrait subir de harcèlement à l’école, ni de discrimination d’aucune sorte. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse l’a clairement dit : nous ne céderons rien sur notre détermination à empêcher ces maux sous toutes leurs formes.
L’article unique de la proposition de loi vise à instituer, dans les écoles et les collèges publics, le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement. Permettre à chaque élève d’aller au bout de ses potentialités et de devenir un citoyen libre, éclairé, doté des mêmes droits et devoirs que ses concitoyens, quelle que soit son origine sociale ou territoriale : telle est la mission fondamentale de l’école républicaine.

M. Maxime Minot.

Précisément !

M. Franck Riester, ministre délégué.

La liberté, l’égalité et la fraternité sont le fondement de notre contrat social. Or l’égalité n’équivaut pas à l’effacement de toutes les différences ; elle est précisément articulée avec la liberté et avec la fraternité.

M. Maxime Minot.

N’importe quoi !

M. Franck Riester, ministre délégué.

Nous devons donc trouver un point d’équilibre, pour permettre à tout enfant de la République de grandir à l’école et par l’école, à l’abri de tout prosélytisme, mais aussi avec la conscience de la singularité de chaque individu.

M. Rodrigo Arenas.

Exactement !

M. Franck Riester, ministre délégué.

Selon les circonstances, le port d’une tenue uniforme peut contribuer à atteindre cet objectif, parce qu’il permet de fédérer autour d’une école et de limiter les comparaisons entre élèves, potentiellement préjudiciables. Mais soyons clairs : l’introduction générale et absolue du port d’une tenue uniforme ne saurait suffire à tenir notre promesse. (Murmures sur les bancs du groupe RN.)

M. Maxime Minot.

C’est au moins un début !

M. Franck Riester, ministre délégué.

C’est bien l’ensemble des dispositifs pédagogiques et éducatifs qui concourent à la transmission des valeurs de la République et à l’instauration d’un climat scolaire favorable aux apprentissages qu’il faut travailler – je suis certain que vous en conviendrez, monsieur le rapporteur, en tant qu’inspecteur général de l’éducation nationale.
Le respect des valeurs de la République ne saurait se réduire au port d’un uniforme. Certes, imposer ce dernier permettrait d’effacer temporairement certains comportements ; mais en vérité, le Gouvernement ne cherche pas à masquer les difficultés : nous devons faire comprendre aux élèves que le respect de ces valeurs est la condition de leur égale liberté. Adapter sa tenue, son langage et son attitude au contexte scolaire, fait aussi partie des attentes de l’école républicaine. Il s’agit de comprendre et de s’approprier les règles régissant les comportements individuels et collectifs, de reconnaître le pluralisme des opinions, des convictions et des modes de vie, et de construire du lien social. L’école vise notamment à aider les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi.
Ne minorons pas non plus les multiples possibilités de détournement des uniformes, notamment par le port d’accessoires vestimentaires pouvant faire réapparaître des signes distinctifs. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

N’ouvrons pas une course à la distinction ou au contournement : soyons intransigeants sur le respect des valeurs de la République, au premier rang desquelles la laïcité. Apprenons à nos élèves ce qui les unit et permettons à ceux qui les forment de décider ensemble, en fonction du contexte, de l’éventuel port d’un uniforme.
Enfin, vous le savez, les effets escomptés du port de l’uniforme ou d’une tenue commune ne sont pas systématiquement bénéfiques. Ainsi, une étude menée aux États-Unis sur un échantillon de plus de 6 000 élèves en âge scolaire a mené à des conclusions contre-intuitives : dans l’ensemble, les uniformes scolaires n’ont eu aucun effet sur le comportement des élèves.

Mme Marine Le Pen.

Pourquoi citez-vous une étude américaine ?

M. Jocelyn Dessigny.

C’est encore du McKinsey !

M. Franck Riester, ministre délégué.

L’état actuel du droit repose précisément sur l’existence d’un consensus à l’initiative du chef d’établissement et constitue à cet égard un bon équilibre.

Mme Nadia Hai.

Exactement !

M. Franck Riester, ministre délégué.

En effet, la décision de rendre obligatoire une tenue uniforme relève du règlement intérieur de l’école ou de l’établissement scolaire. Celui-ci est adopté par leurs instances associant l’ensemble de la communauté éducative. Une telle décision peut être positive dans certains contextes, mais ne saurait devenir une règle universelle et verticale. Dans les écoles primaires, le port d’une tenue vestimentaire uniforme relève d’une décision collégiale du conseil d’école auquel participent les représentants de la commune, de l’école et des parents d’élèves. Au collège et au lycée, conformément à la loi, il appartient au conseil d’administration de l’établissement de définir dans le règlement intérieur d’éventuelles règles vestimentaires.
Vous arguez de la nécessité de votre proposition de loi en prenant pour exemple les établissements d’outre-mer.

M. Maxime Minot.

Tout à fait !

M. Franck Riester, ministre délégué.

Mais c’est précisément grâce à cette procédure déjà prévue par le code de l’éducation que la tenue commune a pu être instaurée dans ces départements.

Mme Nadia Hai.

Eh oui !

M. Franck Riester, ministre délégué.

C’est pourquoi le Gouvernement considère que cette proposition de loi n’est pas nécessaire.

Mme Nadia Hai.

Elle est même inutile !

M. Franck Riester, ministre délégué.

Les établissements disposent déjà de la possibilité d’instaurer l’uniforme.

M. Jérôme Buisson.

Ils ne le font pas ! Allez dans les écoles, vous verrez !

M. Franck Riester, ministre délégué.

Faisons-leur confiance pour se saisir de tous les outils permettant la réussite de leurs élèves.
Enfin, il s’agit évidemment d’un débat de société qui intéresse les Français, mais je tiens à vous mettre en garde contre les solutions magiques. Ce qu’attendent urgemment les professeurs, c’est que leur place dans la société soit restaurée et leur profession respectée. Ce qu’attendent les élèves, c’est que nous employions tous les moyens pour favoriser leur réussite scolaire et leur émancipation. En la matière, l’engagement du Gouvernement et, spécifiquement, du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye, est plein et entier. Ce dernier nous rejoindra dans quelques minutes. (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)

Vous l’aurez compris, pour toutes les raisons énoncées, le Gouvernement est défavorable à votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Julien Odoul.

M. Julien Odoul.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le ministre qu’on attend, mes chers collègues, « J’ai porté l’uniforme comme élève : quinze ans de jupette bleu marine, pull bleu marine. » Bleu Marine, déjà ! « Et je l’ai bien vécu. Cela gomme les différences, on gagne du temps – c’est chronophage de choisir comment s’habiller le matin –, on gagne de l’argent par rapport aux marques. Donc je suis pour le port de l’uniforme à l’école, mais avec une tenue simple et pas tristoune. » (Sourires sur plusieurs bancs.)

Comme l’a très justement rappelé Mme Macron – pour une fois, la lumière vient de l’Élysée – dans un entretien paru dans Le Parisien , le port d’une tenue uniforme dans les écoles est une proposition de bon sens. Cette idée d’actualité défendue par notre collègue Roger Chudeau a des racines profondes. En effet, souhaitant élever la jeunesse française, Napoléon a instauré en 1802 le port de l’uniforme obligatoire dans les lycées, faisant de nos établissements scolaires un modèle pour le monde.

M. Antoine Léaument.

La même année, il a aussi rétabli l’esclavage…

M. Benjamin Lucas.

Je pensais qu’il fallait citer des exemples républicains !

M. Antoine Léaument.

Robespierre aussi l’a fait, merci pour lui !

M. Rodrigo Arenas.

Et Pétain !

M. Julien Odoul.

1802, c’était bien avant la pandémie de wokisme ! Aujourd’hui, une tenue uniforme est portée dans de nombreux établissements français : dans les collèges et lycées de la Défense, bien sûr, mais également dans des centres interprofessionnels de formation d’apprentis (CIFA) réputés comme celui d’Auxerre, dans mon département, qui a ainsi développé l’excellence disciplinaire et citoyenne. En 2003, Xavier Darcos, ancien ministre de l’éducation nationale, relançait le débat sur la tenue scolaire et suggérait déjà son retour dans nos établissements, notamment pour supprimer les différences visibles de niveau social et de fortune.

Mme Nadia Hai.

Mais il ne l’a pas fait !

M. Julien Odoul.

Par manque de courage politique, cette proposition n’a jamais abouti. En 2020, un sondage de la société BVA révélait que 63 % des Français – toutes sensibilités politiques confondues, chers collègues de gauche (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) –…

Mme Clémence Guetté.

Nous ne sommes pas vos « chers collègues » !

M. Julien Odoul.

…étaient favorables au retour de l’uniforme sur le temps scolaire dans nos établissements publics.

M. Rodrigo Arenas.

Nous n’avons pas les mêmes sondages !

M. Julien Odoul.

Le premier argument avancé est quasiment toujours le même : lutter contre les inégalités sociales. En refusant de soutenir cette proposition de loi, la NUPES refuse une nouvelle fois de défendre les plus modestes.

M. Laurent Jacobelli.

Eh oui !

M. Julien Odoul.

Vous vous faites les défenseurs de la lutte des marques et même de la lutte dans les classes ! (Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame.) Car oui, l’existence de marqueurs sociaux qui distinguent les élèves entre eux et révèlent par conséquent les différences financières entre leurs parents contrarie une ambition républicaine fondamentale abandonnée par la gauche depuis bien longtemps : l’égalité des chances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. Benjamin Lucas.

L’égalité des chances, c’est au casino ; à l’école, c’est l’égalité des droits !

M. Antoine Léaument.

Non !

M. Rodrigo Arenas.

C’est Le Pen qui était dans la rue en 1984 !

M. Julien Odoul.

Dans la vie scolaire, les tenues vestimentaires provoquent souvent jalousies et rivalités et peuvent conduire à des tensions, voire à des violences ou à du harcèlement. Oui, le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement permet de faire cesser cette course aux marques coûteuses, génératrices de tensions, de divisions et d’inégalités sociales. Elle fait d’ailleurs ses preuves en dehors de l’Hexagone, comme en Martinique où l’uniforme a été instauré dans tous les collèges et lycées…

Mme Farida Amrani.

C’est faux !

M. Julien Odoul.

…et ce au nom de l’égalité entre les élèves. Mais il s’agit aussi, en promouvant le port d’une tenue uniforme, de lutter contre le communautarisme islamiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Antoine Léaument.

Cette fois, vous avez tenu trois minutes avant de le mentionner !

M. Julien Odoul.

C’est peut-être là ce qui fait hurler les islamo-gauchistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

M. Jocelyn Dessigny.

La lutte contre l’islamisme semble poser problème à l’extrême gauche !

M. Julien Odoul.

Mais les faits sont là. La multiplication inquiétante dans les établissements publics de tenues à caractère religieux, notamment de ces robes islamiques appelées abayas, légitime la question de l’instauration d’une tenue obligatoire à l’école et au collège, où chaque jour la république laïque recule. En la matière, les remontées de terrain nous permettent de dresser un bilan désastreux de l’état des établissements publics. Au cours du seul mois de novembre 2022, 353 atteintes à la laïcité ont été signalées, dont 40 % étaient constituées par le port de vêtements ou de signes religieux. Au premier trimestre, pas moins de 1 400 signalements ont été recensés. Malheureusement, ces chiffres catastrophiques ne semblent pas perturber outre mesure M. Pap Ndiaye.

M. Fabien Di Filippo.

Où est-il, d’ailleurs ?

M. Julien Odoul.

Lorsqu’on demande si l’abaya est un signe religieux ostensible, il choisit de répondre par la stratégie du contournement et de la lâcheté en refusant de condamner l’entrisme de l’idéologie islamiste dans nos écoles. Les professeurs, qui vivent cette situation au quotidien, savent de toute évidence qu’ils n’ont plus rien à attendre d’un ministre qui, non content de faire l’apologie du wokisme (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES) ,…

M. Antoine Léaument.

Ça manquait à votre discours !

M. Julien Odoul.

…défend des concepts antirépublicains comme l’indigénisme ou le racialisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

Mme Nadia Hai.

Franchement, c’est honteux, ce que vous dites !

M. Julien Odoul.

La réalité, c’est que les professeurs et les équipes pédagogiques ont le sentiment d’être abandonnés par le Gouvernement et par leur hiérarchie et ne savent plus comment réagir face aux provocations communautaristes.

M. Rodrigo Arenas.

Attaquez-vous aux écoles privées confessionnelles !

M. Julien Odoul.

Soyons clairs, ce sujet est caractérisé en France par un flou législatif et par la passivité des pouvoirs publics. Certains l’ont bien compris et s’en servent pour introduire à l’école des tenues religieuses jugées « confuses », mais clairement islamistes. (Mme Caroline Parmentier applaudit.)

Malgré le refus catégorique du ministre Pap Ndiaye de soutenir cette loi, il semblerait que la question divise jusque dans les rangs de la majorité – n’est-ce pas, M. Maillard ?

M. Sylvain Maillard.

Nous débattons et nous réfléchissons !

M. Julien Odoul.

Je rappelle notamment que sept députés de la majorité ont souhaité déposer en novembre dernier une proposition de loi pour favoriser le port d’une tenue scolaire commune au nom de l’égalité et de la lutte contre le harcèlement scolaire. Cette excellente initiative – que nous avons, nous, le courage d’inscrire à l’ordre du jour de notre niche parlementaire – avait d’ailleurs été soutenue par d’autres membres du Gouvernement comme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, Sonia Backès, et la secrétaire d’État chargée de la jeunesse, Sarah El Haïry. Depuis, malgré les interpellations nombreuses de la part de professeurs en détresse, le nombre de signalements pour atteinte à la laïcité n’a pas diminué. Monsieur le ministre délégué, combien de violations de nos principes vous faudra-t-il pour réagir ? Combien de voiles islamiques, d’abayas, de quamis, vous faudra-t-il pour que vous vous donniez enfin les moyens de réarmer notre école républicaine et laïque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme Michèle Peyron.

La réarmer ?

Mme Nadia Hai.

Utiliser un terme guerrier en parlant de l’école, il faut le faire ! C’est hallucinant !

M. Benjamin Lucas.

Vous voulez une école militarisée !

M. Julien Odoul.

Le prosélytisme n’est pas seulement interdit ; il doit être combattu. En ce sens, l’instauration d’une tenue uniforme dans nos écoles et nos collèges permettrait d’envoyer un message ferme et clair : le fondamentalisme islamiste n’a pas et n’aura jamais sa place dans l’école de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Dans de nombreux pays, l’uniforme a également permis de développer et de maintenir un sentiment d’appartenance à son établissement et à la communauté des élèves. Au Royaume-Uni, 80 % des élèves du primaire et 98 % des élèves du secondaire le portent. Respect envers l’établissement, sens du collectif, cohésion du groupe : les effets vertueux découlant de l’adoption d’un code vestimentaire sont nombreux. Rassembler est précisément le maître mot de cette proposition de loi.
Pour ceux qui invoqueraient l’argument économique comme bouclier contre le retour de l’uniforme, un raisonnement simple nous permet d’affirmer que l’achat d’une seule et même tenue pour le temps scolaire remplace au moins cinq tenues vestimentaires qui sont déjà à la charge des parents. Aux Antilles, où, comme je l’ai rappelé, la tenue vestimentaire réglementée est largement répandue, le coût moyen d’un t-shirt uniforme est de 8 euros, ou de 10 euros quand il est floqué aux couleurs de l’établissement. (M. Benjamin Lucas s’exclame.) Cette somme est bien inférieure à celle qu’il faut débourser pour l’achat d’un t-shirt de marque, puisqu’il faut compter 40 euros en moyenne pour exhiber les trois bandes ou la petite virgule. La tenue aux couleurs de l’établissement scolaire est sans nul doute une solution économique et écologique, ce qui, j’en suis sûr, devrait convaincre les plus verts d’entre nous !
En présentant ce texte, nous vous proposons simplement d’abolir les privilèges des marques dans les établissements. Nous vous proposons de lutter contre les discriminations sociales, les séparatismes vestimentaires et l’exclusion. En le votant, nous pouvons faire rempart à l’islamisme (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et réaffirmer les valeurs centrales de notre nation.

M. Benjamin Lucas.

Laissez les enfants en dehors de votre culte de la nation !

M. Julien Odoul.

Oui, chers collègues, la tenue uniforme ne fait aucune différence entre les élèves ; elle les unit dans une seule et même famille éducative. Elle signifie qu’au-delà de leur couleur de peau, de leur religion ou de leur origine, ils sont des élèves français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Oui, la tenue uniforme, c’est l’habit de la République ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Paul Vannier.

M. Paul Vannier.

L’école manque d’enseignants par milliers.

M. Benjamin Lucas.Partager l’intervention

Eh oui !

M. Paul Vannier.

Beaucoup d’établissements sont dans un état de délabrement avancé.

Mme Sophie Taillé-Polian.

C’est la réalité !

M. Paul Vannier.

Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) vivent dans la précarité. Mais pour le Rassemblement national, la priorité, c’est l’uniforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Sa proposition de loi visant à rendre obligatoire le port de l’uniforme est d’abord une atteinte fondamentale au principe de gratuité scolaire. En effet, en conditionnant l’accès à l’école à l’achat d’un uniforme, le Rassemblement national rendrait payant le droit à l’éducation. (Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

M. Benjamin Lucas.

Eh oui ! Il a raison !

M. Paul Vannier.

Pour justifier cette profonde régression, il objecte que les familles assument nécessairement des dépenses d’habillement. Fine observation ! Mais ignore-t-il qu’elles le font librement, sans obligation d’acheter un type précis de vêtement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

M. Benjamin Lucas.

Exactement !

M. Paul Vannier.

En Martinique, où l’uniforme n’est pas obligatoire, mais où il est imposé dans un tiers des écoles, collèges et lycées, le prix des polos ou des t-shirts portant le blason de l’établissement varie entre 10 et 20 euros. C’est cinq à dix fois plus cher que le prix des mêmes habits chez Kiabi. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Adoptée, cette proposition de loi aggraverait donc les difficultés financières des plus modestes au moment de la rentrée, lorsque les dépenses sont multipliées et le budget des familles particulièrement serré. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)

M. Frédéric Boccaletti.

Vous avez refusé ce matin l’augmentation des salaires !

M. Paul Vannier.

Ce texte anti-pauvres vise à mettre en scène la hiérarchie entre établissements populaires et huppés. En proposant l’instauration d’un uniforme d’établissement différent d’une école à une autre, il promeut une logique de marque,…

M. Antoine Léaument.

Exactement !

M. Paul Vannier.

…de distinction, de concurrence, renvoyant au modèle d’école-marché qu’Emmanuel Macron s’efforce de développer depuis près de six ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)

M. Louis Boyard.

Vous êtes macronistes !

M. Paul Vannier.

Ça n’est donc pas un hasard si la nouvelle ministre de l’éducation, Mme Macron (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) , s’est hier déclarée favorable au port de l’uniforme à l’école, forte probablement de son expérience d’enseignante en lycée privé confessionnel, qui culmina dans l’un des plus hauts lieux de la reproduction des privilégiés, le lycée Saint-Louis de Gonzague, situé dans le 16earrondissement de Paris. (Mêmes mouvements.)

M. Louis Boyard.

Eh oui, exactement !

M. Paul Vannier.

Madame Macron est libre de voter Le Pen. (Protestations sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

M. Sylvain Maillard.

C’est honteux !

M. Paul Vannier.

Mais, je tiens à le dire, elle n’a aucune légitimité démocratique pour s’immiscer dans le débat parlementaire par un coup de communication articulé avec l’agenda du RN. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

M. Benjamin Lucas.

C’est vrai !

M. Sylvain Maillard.

N’importe quoi !

M. Paul Vannier.

Collègues, vous qui êtes les soutiens du Gouvernement dans une démocratie, la séparation des pouvoirs est un principe fondamental. C’est à l’Assemblée de décider, non à l’Élysée de tout imposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Revenons aux rédacteurs de ce texte. Dans l’exposé des motifs de leur proposition de loi, les députés du Rassemblement national déplorent « l’existence […] de marqueurs sociaux qui distinguent les élèves et révèlent les différences de niveau de fortune de leurs parents ». C’est Tartuffe à l’Assemblée : « Couvrez ces différences que je ne saurais voir » supplient les députés du groupe RN après avoir voté en cadence contre le Smic à 1 600 euros, contre le gel des loyers, contre le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. M. Benjamin Lucas applaudit également. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

Mme Caroline Parmentier.

Ça suffit, cette histoire !

M. Lionel Tivoli.

C’est vous qui avez voté Macron !

Mme la présidente.

S’il vous plaît, chers collègues, un peu de calme.

M. Paul Vannier.

La proposition du Rassemblement national n’a donc aucune finalité sociale. Son véritable objet est ailleurs. Fidèle à sa tradition raciste, sexiste et xénophobe, son texte vise les jeunes femmes, les musulmans, qui sont trop ou trop peu, en tout cas qui sont toujours mal habillés à ses yeux. (Mêmes mouvements.)

L’avatar français du parti de la police du vêtement disserte ainsi sur le « caractère » des habits. Ignorant des avertissements d’Aristide Briand quant aux effets de « l’ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs », il propose la création de milliers de comités Théodule destinés à fixer le « tissu, la coupe, la couleur » des vêtements. Parti de la stigmatisation des origines et des différences, le Rassemblement national est un danger pour l’unité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas et Mme Soumya Bourouaha applaudissent également. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

M. Benjamin Lucas.

Vous êtes des séparatistes !

M. Paul Vannier.

Sa proposition de loi l’illustre tristement, qui vise à « abolir […] les distinctions culturelles » dans les établissements scolaires. L’extrême droite ne propose pas seulement des uniformes à l’école : elle rêve d’une société uniformisée.
Pour nous, l’école publique, celle qui accueille tous les élèves et donc toutes les différences, est le creuset de la République,…

Mme Clémence Guetté.

Bravo !

M. Paul Vannier.

…un lieu d’émancipation au sein duquel chacune et chacun se construit en être singulier pour exercer sa citoyenneté en toute liberté. (Les députés du groupe RN décomptent le temps restant à l’orateur : « Cinq, quatre, trois, deux, un… zéro ! »)

Mme la présidente.

Chers collègues, merci de respecter les orateurs.

M. Paul Vannier.

Voilà ce qui nous oppose essentiellement au projet de l’extrême droite. Voilà pourquoi nous voterons contre sa proposition. (Les députés du groupe LFI-NUPES ainsi que Benjamin Lucas se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente.

Chers collègues, je veux bien que le sujet soit débattu avec force, mais la force n’est pas le bruit. Merci de respecter les orateurs ; cela vaut pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

La parole est à M. Maxime Minot.

M. Fabien Di Filippo.

Enfin un peu de bon sens après tout ce cinéma !

M. Maxime Minot.

L’école est un lieu sacré de notre République, un lieu de transmission et de sociabilisation. Or un cadre est nécessaire pour y maintenir l’ordre, l’autorité, mais aussi la confiance.
En effet, pour être épanouis à l’école, nos enfants et nos jeunes ont besoin d’avoir confiance. Confiance en notre système scolaire, en leur établissement et leurs encadrants, mais aussi et surtout en eux-mêmes et en leurs camarades.
Pourtant, depuis plusieurs années, nous constatons une réelle perte de confiance en l’école. Elle est due à une politique hasardeuse au sein de l’éducation nationale, à un enchaînement de réformes incompréhensible pour les enseignants, les élèves et leurs parents.
L’égalité, le respect et le collectif ont été amochés depuis quelque temps. C’est notamment le cas en ce qui concerne le port des signes et des tenues ostentatoires.
Nous pouvons éviter ces déviances ; le port d’une tenue uniforme peut y contribuer. Au sein du groupe Les Républicains, nous y sommes favorables depuis longtemps : nous avons toujours défendu cette idée d’une tenue unique pour plus d’égalité.

Mme Michèle Peyron.

En province, ça ne marche pas !

M. Maxime Minot.

Dès 2018, j’ai moi-même défendu une proposition de loi visant à instaurer une tenue uniforme dans les établissements scolaires ; plusieurs de mes collègues ont suivi ce mouvement en déposant récemment encore des propositions similaires.
Comme divers orateurs l’ont dit, instaurer une tenue unique possède plusieurs bénéfices, à commencer par l’effacement des inégalités sociales. Elle permet de mettre tous les élèves sur un pied d’égalité, sans distinction de marque, de style, ou de moyens financiers. Au sein des établissements scolaires, lorsque nous étions élèves, il nous était plus facile d’identifier les moyens des uns et des autres que leur appartenance à telle ou telle religion ou communauté. Or ce sont ces inégalités qu’il nous faut réussir à gommer dès l’école. Le port d’une tenue uniforme permettrait réellement une meilleure intégration des élèves qui n’auraient plus à se définir en fonction des vêtements qu’ils portent et des signes ostentatoires véhiculés, que ceux-ci soient religieux ou non.
Au-delà des problèmes importants du port ostentatoire de signes religieux, instaurer l’uniforme combat aussi le règne de l’apparence. Les jeunes, à l’ère des réseaux sociaux, se libèrent alors de la pression du regard des autres et se consacrent plus facilement à leur apprentissage.

M. Benjamin Lucas.

Et après, on va tous les coiffer pareil ? Franchement !

M. Maxime Minot.

L’uniforme instaure une rigueur et impose, sans recours à la force, les préceptes de l’éducation scolaire. Il permet à l’élève d’être conditionné pour le travail, les devoirs, la discipline, la hiérarchie et la réussite.

M. Benjamin Lucas.

Ringard !

M. Maxime Minot.

Non seulement il renforce le sentiment d’égalité, mais c’est un outil pédagogique essentiel qui crée une atmosphère de travail et de discipline propre à l’école.

Mme Sophie Taillé-Polian.

N’importe quoi…

M. Maxime Minot.

L’uniforme permet également de valoriser l’image de l’établissement et de créer un sentiment d’appartenance. Porter un uniforme permet à l’élève d’identifier son lieu de scolarisation comme un lieu à part dans lequel il peut s’impliquer et s’engager.
L’uniforme crée également une communauté unique, propre à l’établissement.

M. Benjamin Lucas.

Il n’y a qu’une communauté à l’école, la République !

M. Ian Boucard.

C’est un bon argument pour l’uniforme !

M. Benjamin Lucas.

Nous parlons de l’école : ce n’est pas Hunger Games.

M. Maxime Minot.

Il garantit l’unité et crée, en quelque sorte, une nouvelle famille pour les élèves. À l’image de ce qui se passe au sein des associations sportives où l’équipe a la volonté de défendre le maillot, la fierté d’appartenir à une communauté scolaire galvanisera les jeunes.
Enfin, la tenue uniforme renforcera la sécurité des établissements. Nous faisons face à des menaces de plus en plus réelles au sein de nos établissements : agressions, harcèlement, intrusions… Les dangers sont importants à proximité de nos écoles. La surveillance ne peut être optimale, car le nombre de personnes fréquentant ces lieux est trop grand : élèves, enseignants, agents du personnel, direction. Il est donc bien souvent trop difficile de contrôler les allées et venues de chacun. Ce problème est particulièrement présent dans les lycées où les entrées ne sont tout simplement pas contrôlées. Le port d’une tenue uniforme permettrait d’identifier plus facilement les intrus.

Mme Anne Le Hénanff.

Les intrus ?

M. Maxime Minot.

Vous l’aurez compris, si ce texte nous est présenté avant tout pour défendre le principe de laïcité à l’école, les raisons de soutenir cette mesure vont bien au-delà. Nous l’avons constaté dans de nombreux pays à travers le monde, le port d’uniforme apporte égalité, appartenance et esprit d’équipe.
Certains établissements dans notre pays, en métropole comme en outre-mer, ont déjà adopté l’uniforme. L’opinion publique y est de plus en plus favorable, au-delà des clivages politiques et des classes sociales.
Il nous faut donc aller enfin sur ce terrain, en donnant toute la liberté aux établissements d’en définir les modalités, sans oublier d’inclure les élèves dans cette décision.

Mme Sophie Taillé-Polian.

Ils n’en veulent pas !

M. Maxime Minot.

Ils sont le premier public concerné et doivent pleinement accepter cette évolution, en la considérant comme une chance et non comme une contrainte.
Ensemble, de manière transpartisane, nous pouvons enfin favoriser le retour de l’ordre, d’une véritable sécurité, du respect de la laïcité et de l’égalité à l’école. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Sophie Mette.

Mme Sophie Mette.

Je commencerai par vous remercier, monsieur le rapporteur, de nous donner l’occasion de débattre au sein de cette assemblée de l’uniforme à l’école, car ce sujet revient depuis de nombreuses années dans le débat public sans que les représentants de la nation aient jusqu’ici pu en débattre officiellement.
Derrière l’apparente facilité de l’uniforme se cache finalement une proposition dont il est difficile d’appréhender les enjeux et les conséquences. Une certitude semble cependant s’être dégagée lors de nos débats en commission malgré l’acharnement de certains : l’uniforme n’est pas la réponse miracle aux problèmes que peut rencontrer notre école en matière d’égalité, de cohésion ou de bien-être.
La question de l’égalité se pose d’abord du fait d’un choix que vous avez opéré délibérément : votre proposition fait porter le coût de cette mesure sur les familles.
Alors que votre parti se présente en défenseur du pouvoir d’achat et des plus fragiles, je suis certaine que ces derniers apprécieront votre volonté de leur imposer des dépenses supplémentaires. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) L’intéressante expérimentation menée à Provins rappelle qu’il est nécessaire non seulement de fournir des vêtements à faible coût, mais aussi de garantir qu’ils soient de bonne qualité. De plus, nous pouvons légitimement nous interroger sur la possibilité de fournir des uniformes à un bon rapport qualité-prix qui soient fabriqués en France, car je n’imagine pas que votre groupe demande autre chose qu’une fabrication nationale.
À peine a-t-on abordé ce sujet que les questions sont déjà nombreuses, même avant de nous demander si un enfant portant l’uniforme possède autant de vêtements de ville que les autres. Mais alors que vous souhaitez imposer l’uniforme dans toutes les écoles publiques de France, on peut s’interroger également sur l’utilité de cette mesure pour le bien-être des enfants.
Si, en apparence, l’uniforme semble à même de gommer les inégalités basées sur l’allure ou les vêtements, il n’existe aucun consensus établissant la réelle efficacité d’une telle mesure sur les résultats scolaires, sur le comportement, ou sur le sentiment d’appartenance à l’école. C’est cette incertitude quant aux résultats qui fait que les pays dans lesquels des enfants portent l’uniforme n’ont bien souvent pas inscrit cette obligation dans la loi.
De plus, alors que certains évoquent des bénéfices de l’uniforme pour lutter contre le harcèlement scolaire, les travaux d’Erwan Balanant, rapporteur de la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, démontrent plutôt qu’une telle mesure viendrait mettre en lumière les quelques éléments de distinction portés par les élèves.
Là encore, les questions demeurent et ce qui est présenté comme une solution à tous les maux serait finalement plutôt un enjeu local, qui doit être examiné par chaque établissement, pour que les personnes proches du terrain puissent décider de la meilleure solution pour les élèves. Or c’est déjà ce que permet la loi.
Votre choix est donc intéressant, car derrière cette fausse révolution vestimentaire, vous cachez finalement votre manque de volonté pour renforcer notre école là où notre majorité a agi depuis plus de cinq ans pour la remettre sur les rails :… (Murmures sur les bancs du groupe RN.)

M. Jocelyn Dessigny.

On voit le résultat !

Mme Sophie Mette.

…priorité accordée aux savoirs fondamentaux, limite de vingt-quatre élèves par classe en primaire, dédoublement des classes et prime pour les enseignants en zone prioritaire, ou plus récemment revalorisation salariale qui assure que l’on n’embauche plus un professeur en le payant moins de 2 000 euros nets d’impôt.
Les chantiers sont encore nombreux pour renforcer cette belle institution qui forme notre jeunesse, notamment pour accroître la mixité sociale. Vous me permettrez de m’interroger aussi dans cette perspective sur l’utilité de la généralisation de cette mesure car nos amis britanniques, qui ont généralisé l’uniforme depuis bien longtemps, ne sauraient être des exemples en matière de mixité et d’égalité.
Cela nous invite à relativiser l’utilité d’une telle mesure imposée depuis Paris qui engage également la question de l’acceptation par les parents et les élèves, l’expérience de Provins ayant apporté une nouvelle preuve du fait qu’il est plus facile d’acquiescer à une mesure que de l’appliquer.
Vous l’aurez compris, pour le groupe Démocrate, votre proposition est hâtive, mal préparée, et elle démontre votre volonté de cliver la population française plutôt que celle de trouver des solutions efficaces pour l’école.

M. Maxime Minot.

Il faut accorder vos violons !

Mme Sophie Mette.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

M. Maxime Minot.

Blanquer aussi était favorable à l’uniforme !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli.

« Le progrès naît de la diversité des cultures et de l’affirmation des personnalités » explique Pierre Joliot, grand professeur biologiste et petit-fils de Pierre et Marie Curie. Cette proposition de loi qui vise à imposer un uniforme aux couleurs de l’établissement irait à l’encontre du progrès, aussi nous nous y opposons. Nous sommes résolument contre l’objectif de cette proposition de loi qui vise, selon ses auteurs, à empêcher les élèves de porter des vêtements qui soient des marqueurs sociaux ou des signes religieux. Notre combat, à nous, c’est la lutte contre les discriminations, pas contre les distinctions.
Cette proposition s’ajoute à une longue liste de propositions qui depuis plusieurs années constituent des marronniers, c’est-à-dire des articles de circonstance publiés traditionnellement à certaines dates. Elle est sous-tendue par l’idée qu’on pourrait revenir à une sorte de modèle de l’école républicaine évoqué dans l’exposé des motifs.
Comme toujours, l’instrumentalisation de l’histoire sert moins à parler du passé qu’à justifier un discours présent et à inventer des racines qui ne sont pas réelles.
Le port de l’uniforme à l’école n’est pas une tradition française : même le port de la blouse n’a jamais été obligatoire. Nous sommes contre l’idée d’un uniforme aux couleurs de l’établissement, comme dans les écoles privées américaines, car cela ne correspond pas au modèle de l’école républicaine française.
Le port d’un uniforme fut un marqueur social pour distinguer certaines écoles élitistes, qui cherchaient l’entre-soi et refusaient la mixité sociale. Il est ainsi devenu un signe distinctif de haut statut social. La blouse, elle-même répandue mais non obligatoire, n’était qu’un instrument pour protéger les élèves et leurs vêtements des aléas de la vie quotidienne. Or, le temps est désormais loin où l’on changeait de vêtements seulement une fois par semaine, ou d’une semaine sur l’autre. Alors, si le passé ne justifie pas cette uniformisation, celle-ci répondrait-elle à une demande présente ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Oui !

Mme Marietta Karamanli.

Les quelques études menées à l’étranger sur les effets du port de l’uniforme montrent que celui-ci n’engendre pas de sentiment d’appartenance à une école, fut-elle républicaine. Selon la principale étude menée aux États-Unis et qui tendait à connaître les arguments des partisans de l’uniforme scolaire, celui-ci favoriserait une meilleure assiduité et un sens de la communauté renforcé, limitant donc intimidations et bagarres. Une telle argumentation est déjà plus sophistiquée que celle présentée dans l’exposé des motifs de la proposition de loi.
En réalité, le port de l’uniforme aurait plutôt tendance à induire un relâchement du lien à l’école : la mode et l’individualisation des vêtements sont une façon pour les élèves de s’exprimer…

M. Boris Vallaud.

Elle a raison !

Mme Marietta Karamanli.

…et représentent à ce titre une partie importante de l’expérience scolaire.

M. Benjamin Lucas.

Implacable !

Mme Marietta Karamanli.

Empêchés de montrer leur individualité, les élèves pourraient ne pas se sentir autant à leur place dans l’école qui les regroupe. Or, nous le savons, c’est le bien-être, et non l’uniformité, qui est un facteur favorable à la réussite.
Les fondateurs de l’école républicaine l’avaient d’ailleurs bien compris : Ferdinand Buisson, qui fut l’un des maîtres d’œuvre de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, considérait qu’à l’école publique, c’est l’enseignement moral qui devait compter, puisque celui-ci « porte la claire notion du devoir, des idées de justice et de bonté, l’habitude de la réflexion, la culture de la conscience, l’amour du travail, le sentiment des droits de l’homme et de la dignité humaine. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.) Il concluait en précisant : « Cette morale, non seulement est bonne, non seulement est saine, mais elle est suffisante. »
J’ajouterais : l’enseignement n’a pas besoin d’uniforme. Plutôt que de nous intéresser à l’accessoire, occupons-nous du principal.

M. Benjamin Lucas.

Tout à fait !

Mme Marietta Karamanli.

Il faut penser aux besoins des élèves, et donc donner priorité au nécessaire développement des compétences sociocomportementales. Il faut davantage personnaliser la pédagogie, mais aussi développer le travail coopératif. En outre, il est nécessaire d’évaluer l’évaluation, pour lui donner un sens nouveau. L’école, enfin, doit être porteuse de santé pour tous les jeunes. Il est donc indispensable de lutter contre les inégalités de classe et de genre que produit encore le système.

M. Boris Vallaud.

Voilà !

Mme Marietta Karamanli.

Finalement, en prétendant qu’elle traite du fond alors même qu’elle ne s’attache qu’à l’apparence,…

M. Boris Vallaud.

Potemkine !

Mme Marietta Karamanli.

…les auteurs de la proposition de loi ne tendent qu’à nous distraire de l’essentiel. (Mme Ségolène Amiot applaudit.) Le groupe Socialistes et apparentés votera donc contre ce texte qui occulte l’essentiel du débat de fond et ne lutte en rien contre les inégalités à l’école. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Agnès Carel.

Mme Agnès Carel.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est pas une nouveauté : chaque année depuis deux décennies, la question du port de l’uniforme ou d’une tenue scolaire obligatoire à l’école et au collège ressurgit, tant au Parlement que dans la sphère médiatique.
Contrairement aux propos de certains, la tenue uniforme n’a jamais été imposée en France. Seule la blouse fut obligatoire jusqu’en 1968, mais davantage pour préserver des taches d’encre que pour obtenir une uniformité vestimentaire dans les classes. L’arrivée des pointes Bic a, par la suite, rendu le port de la blouse inutile.
Aujourd’hui, ce n’est pas l’idée de tenue scolaire qui est défendue dans la proposition de loi, mais bien l’obligation pour toutes les écoles et tous les collèges d’adopter, du jour au lendemain, une tenue par établissement.

M. Emeric Salmon.

Pas du jour au lendemain : on parle de septembre prochain !

Mme Agnès Carel.

Or, il est déjà possible pour les directeurs d’établissement de choisir de doter l’école ou le collègue qu’ils dirigent d’une tenue scolaire. Certains ont d’ailleurs déjà pris cette décision : des exemples, dont la presse s’est fait largement l’écho, existent dans les territoires d’outre-mer – en Martinique, notamment –, mais également en métropole – à Provins, en Seine-et-Marne.
Les membres du groupe Horizons et apparentés défendent avant tout la notion de liberté de choix des directeurs d’établissement, qui existe déjà, même si elle n’est peut-être pas assez connue : peut-être faudrait-il donc mener des actions pour mettre en avant ces expériences et le ressenti des élèves, des parents et des enseignants concernés. Nous ne sommes pas non plus opposés à des initiatives locales, qui seraient prises en concertation avec les familles, les enseignants et les collectivités. L’expérimentation est possible.
Si l’instauration d’une tenue scolaire dans un établissement contribue à diminuer les distinctions sociales et culturelles – nous ne le contestons pas –, elle ne les enraye pas pour autant, comme certains s’accordent à le dire. En effet, d’autres éléments et accessoires, comme les baskets, les portables, les sacs, sont aussi des marqueurs sociaux très forts – plus forts encore peut-être que les vêtements – et restent donc des moyens de gommer les effets tant attendus de l’uniforme. La tenue scolaire obligatoire n’effacera pas non plus comme par enchantement les tenues dites religieuses : elle n’entraînera, mécaniquement, que la création d’écoles hors contrat, et donc hors contrôle, sans régler le sujet.
Votre proposition de loi soulève également d’autres questions.
Tout d’abord, le coût de la mesure est estimé à 3 milliards d’euros par an. Qui va payer ? Les parents ? En cette période d’inflation, on ne peut pas leur infliger une dépense supplémentaire. Les collectivités ? Dans un contexte de tension budgétaire, il leur est impossible d’assumer de telles dépenses. La prime de rentrée scolaire, alors, devrait-elle être utilisée pour l’achat d’uniformes ?

M. Jocelyn Dessigny.

À quoi sinon ? Elle doit servir à acheter des télévisions ?

Mme Agnès Carel.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, vous avez déposé des amendements tendant à demander 5 millions d’euros supplémentaires de budget pour financer cette mesure. Est-ce sérieusement votre principale proposition pour l’éducation nationale ? Si la proposition de loi dont nous débattons est votre mesure phare pour régler les problèmes actuels de l’enseignement, de deux choses l’une : soit c’est quelque peu réducteur, soit vous êtes magiciens ! Des mesures efficaces ont déjà été prises, comme les dispositifs Vacances apprenantes et Devoirs faits, le dédoublement des classes de CP et CE1 en zone d’éducation prioritaire et le renforcement des enseignements fondamentaux.
Ensuite, vous avez évoqué le rôle fédérateur de l’uniforme. Or, le sentiment d’appartenance et l’importance de fédérer passent par des projets pédagogiques. En effet, un projet de solidarité, par exemple, fédérera davantage une classe ou un établissement qu’un uniforme – pour ceux qui ne le sauraient pas, je rappelle que l’uniforme n’est pas un outil pédagogique.

M. Rodrigo Arenas.

Absolument ! C’est un outil hégémonique !

Mme Agnès Carel.

Pour être de véritables moteurs de la réussite scolaire de leurs élèves, les professeurs doivent être davantage acteurs, et leurs initiatives davantage reconnues. Leur implication est un enjeu essentiel de réforme.
Par ailleurs, vous avez abordé le problème des intrusions dans les établissements et le rôle de l’uniforme pour enrayer ces phénomènes. Mais, à ma connaissance, un uniforme se vole ou s’emprunte : le tour est joué ! Cela ne résoudra donc pas le problème.
Enfin, l’objectif de votre proposition ne saurait être uniquement l’abolition des distinctions sociales et culturelles : en effet, les propositions pour l’enseignement en France doivent avant tout viser l’amélioration du cadre d’apprentissage pour tous les élèves.
En résumé, votre proposition de loi, qui tend à contraindre l’ensemble des écoles et collèges à adopter l’uniforme sans qu’un réel débat n’ait lieu à chaque niveau, n’est pas aboutie, et le groupe Horizons et apparentés votera donc contre son adoption.

M. Jocelyn Dessigny.

C’est Mme Macron qui va être déçue !

Mme Agnès Carel.

Votre texte ne résoudra absolument pas les problèmes de l’école républicaine, dont l’objectif est d’instruire et de former les citoyens de demain – des citoyens heureux. L’émancipation de nos jeunes doit plus que jamais être au centre de nos préoccupations et l’éducation nationale le cœur battant de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian.

Personne n’est dupe de ce qui se cache derrière la proposition de loi du Rassemblement national d’imposer l’uniforme à l’école :…

M. Benjamin Lucas.

Personne !

Mme Sophie Taillé-Polian.

…les faux-semblants sur une égalité de façade ne sont là que pour habiller votre haine de la différence – religieuse ou « ethnique », aux termes de l’exposé des motifs. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN. – M. Benjamin Lucas applaudit.)

M. Rodrigo Arenas.

Bien sûr ! C’est ce que vous dites, au RN. Écoutez-vous parler !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Votre proposition de loi ne tend pas à améliorer l’école ni la vie des jeunes : plutôt que de vous attaquer frontalement aux problèmes, vous cherchez à ne plus les voir. Pour cela, l’uniforme est votre solution prête à porter.
En réalité, ce texte n’est que le moyen de vous en prendre à un public identifié : les enfants de confession musulmane, qui vous dérangent. Loin d’apaiser le débat et d’unir les Français dans leur diversité, vous voulez faire des écoliers et collégiens les otages de votre guerre des identités ! (Mme Sandra Regol applaudit.)

M. Benjamin Lucas.

Exactement !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Laissez les jeunes et les enfants tranquilles.
Depuis le rapport Debré de 2002, il est de notoriété commune que c’est par l’apprentissage assumé et dépassionné de l’histoire des religions et des cultures qu’on lève les incompréhensions entre élèves et parents. C’est en s’éduquant à être d’accord sur le fait qu’on n’est pas d’accord qu’on apprend à vivre ensemble, et à assurer un équilibre entre l’affirmation de soi et le respect de l’autre.
Parlons égalité sociale. Qui, ici, croit que le seul fait de porter un vêtement unique et obligatoire permettrait de lutter contre les béantes inégalités sociales dans notre pays ?

Mme Mathilde Paris.

Ce serait un début !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Si les différences de milieux sociaux ne s’expriment pas à travers les vêtements, elles le feront par d’autres biais, comme les chaussures ou le smartphone. (M. Maxime Minot s’exclame.)

M. Rodrigo Arenas.

Les boucles d’oreille de Marie-Chantal !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Plutôt que d’essayer de masquer les inégalités sociales, de les camoufler sous un uniforme, attaquons-nous à les réduire vraiment à néant ! Or vos propositions au sujet de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou de la fiscalité du patrimoine, par exemple, montrent bien qu’en réalité, vous êtes pour le statu quo en matière d’inégalités sociales. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

M. Benjamin Lucas.

Exactement ! Elle a raison !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Par conséquent, arrêtez de chercher à les camoufler, et essayons plutôt de les annihiler.
Mais vous allez plus loin encore, en demandant à chaque établissement de créer son propre uniforme – à ses couleurs, esprit d’équipe oblige ! Or, cela rendra les inégalités sociales encore plus visibles : en effet, on pourra lire sur la veste de chaque enfant s’il étudie dans une belle école du centre-ville ou dans une école de quartier prioritaire. Belle avancée !

M. Xavier Breton.

C’est vous qui avez la haine de la différence !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Vous montrez avec cette proposition que vous soutenez la politique du Gouvernement, qui crée une concurrence entre les écoles au mépris de l’égalité républicaine entre tous les établissements.

M. Rodrigo Arenas.Partager l’intervention

C’est l’esprit de Pétain !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Vous prétendez que l’uniforme permettrait de lutter contre le harcèlement scolaire. Des études ont montré que c’était faux. D’ailleurs, si tel était réellement votre objectif, vous auriez écrit une proposition de loi visant à aider les professeurs, dont 60 % estiment ne pas être formés à recueillir la parole, à repérer les cas de harcèlement et à les résoudre. L’uniforme n’empêchera ni l’homophobie, ni la grossophobie, ni le validisme, de faire les ravages qu’ils font aujourd’hui dans nos établissements scolaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

M. Maxime Minot.

Mais bien sûr que si !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Alors laissez aux jeunes la possibilité d’exprimer leur individualité et leur créativité, comme ils le réclament. Leur avez-vous seulement demandé leur avis ?

M. Benjamin Lucas.

Messieurs les censeurs !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Depuis des années, les projets et propositions de loi qui déterminent leur avenir se succèdent, mais elles se passent toujours de l’avis des premiers intéressés.

M. Jean-Philippe Tanguy.

Cela s’appelle une minorité.

Mme Sophie Taillé-Polian.

L’uniforme obligatoire ne parle pas aux jeunes : il ne s’adresse qu’aux obsédés de l’islam que vous êtes. Vous estimez que la jeunesse ne fait pas suffisamment corps avec la République, mais tout ça, c’est dans votre tête ! La réalité, c’est que ces dernières années, les jeunes ont été abandonnés par le pouvoir. Qu’il s’agisse de l’uniforme proposé par le RN ou du service national universel (SNU) prôné par le Gouvernement, ce sont uniquement des mesures d’apparat pour masquer votre mépris partagé de notre jeunesse :…

M. Benjamin Lucas.

Elle a raison !

Mme Sophie Taillé-Polian.

…les jeunes, eux, n’en veulent pas !
Depuis des années, les mesures se succèdent : Parcoursup, refus de permettre à tous les titulaires d’une licence qui le souhaitent de poursuivre leurs études, files d’attente aux banques alimentaires, refus d’élargir le RSA aux moins de 25 ans renforçant la précarité étudiante, affaiblissement de l’éducation populaire et des colonies de vacances, dévoiement du service civique, transformé en Smic jeune, et bientôt, réforme du lycée professionnel, où les jeunes des milieux populaires seront moins bien formés et contraints de faire plus de stages sans garde-fous !
Nous rejetons ce texte en déplorant que ses auteurs fassent l’impasse sur une véritable réflexion au sujet du manque de moyens dédiés à l’accompagnement des familles pour assurer réellement la gratuité de l’école, et ne demandent aucune augmentation des moyens. Aujourd’hui, un jeune Français sur six pense que la Terre est plate, un sur quatre doute de la théorie de l’évolution : plus d’enseignants et moins d’élèves par classe, voilà ce dont nous avons besoin ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

M. Benjamin Lucas.

Implacable ! Excellent !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha.

L’instauration de l’uniforme à l’école est devenue, ces dernières années, une marotte…

M. Maxime Minot.

Et la veste obligatoire à l’Assemblée ?

Mme Soumya Bourouaha.

…pour toute une partie de la sphère politique. Ceux dont je parle dissimulent leur absence de projet pour l’école en donnant des coups de menton, en faisant de l’autorité à peu de frais, le tout sous couvert de lutte contre les inégalités sociales et la discrimination par l’argent. Souvent, les mêmes présentent d’ailleurs un projet politique profondément inégalitaire, désignant comme adversaire, sinon comme ennemi, celui qui possède moins qu’eux – le migrant ou le chômeur. Quel paradoxe que d’entendre la droite la plus réactionnaire,…

M. Maxime Minot.

Oh !

Mme Soumya Bourouaha.

…celle qui fonde son idéologie sur les inégalités, la compagne de route du capitalisme (Mmes Ségolène Amiot et Elsa Faucillon applaudissent, ainsi que M. Jean-François Coulomme) , donner des leçons d’humanisme et d’égalité ! Je l’affirme dès à présent : la question n’est pas de prendre parti pour ou contre cette mesure en apparence anodine, mais de savoir quelle conception de l’individu et de l’école amène le Rassemblement national à la proposer.

M. Jean-Philippe Tanguy.

Il vous reste quatre minutes pour y répondre ! (Sourires.)

Mme Soumya Bourouaha.

Rappelons tout d’abord que Mme Le Pen et son parti proposaient naguère de mettre fin, pour les enfants étrangers, à la gratuité de l’école.

M. Jean-Philippe Tanguy.

C’est faux !

Mme Soumya Bourouaha.

Je cite : « Je considère que la solidarité nationale doit s’exprimer à l’égard des Français. » Et à l’intention des étrangers : « Si vous venez dans notre pays, ne vous attendez pas à ce que vous soyez pris en charge, à être soignés, à ce que vos enfants soient éduqués gratuitement, maintenant c’est terminé, c’est la fin de la récréation ! » Tous ces propos ont été tenus en 2016 par Mme Le Pen !

M. Benjamin Lucas.

Quelle honte !

M. Jean-Philippe Tanguy.

Mais c’est faux !

Mme Karine Lebon.

Elle l’a dit ! Assumez-le !

Mme Soumya Bourouaha.

Voilà donc un premier tri opéré entre les enfants – heureusement tous habillés de la même façon. Un second tri écarterait les élèves des classes populaires, ceux qui réussissent moins bien à l’école. Ce n’est pas qu’ils ne soient pas faits pour elle, comme nous l’entendons trop souvent : c’est qu’elle ne parvient pas à estomper les inégalités sociales. Au lieu de prévoir des moyens supplémentaires ou des innovations pédagogiques, le Rassemblement national entend supprimer le collège pour tous et mettre ces enfants au travail dès 14 ans. Telle est votre perspective pour l’école : vous ne souhaitez pas la réformer de manière à assurer la réussite de tous, mais en évacuer dès leur plus jeune âge ceux qui s’ennuieraient, qui perdraient leur temps, à qui il conviendrait mieux d’apprendre un métier…

M. Jean-Philippe Tanguy.

Quel mépris pour les professions manuelles !

Mme Soumya Bourouaha.

…et qui, bien entendu, sont généralement des enfants des classes populaires. C’est là une différence majeure entre nous : vous proposez moins d’école, nous en préconisons plus. Nous ne partageons pas davantage votre vision apocalyptique d’une éducation nationale en proie au pédagogisme, au laxisme, au communautarisme :…

Un député du groupe RN.

Ce n’est pas une vision, mais le résultat de votre politique !

Mme Soumya Bourouaha.

…nous la réfutons comme trop sombre, sans nier l’existence de difficultés. Quant à votre opposition irrationnelle à l’enseignement dès le primaire d’une langue étrangère ou, pire encore, à l’éducation sexuelle, je vous épargne en ne m’y attardant pas.
Si l’on considère le fond du problème, il est certes nécessaire de lutter contre le culte de l’apparence et de la consommation ; reste que, l’uniforme imposé, les origines des élèves se révéleraient par des accessoires, des bijoux, ou seulement par leur capacité à appréhender et assimiler les attentes du système scolaire, car notre école est celle de la reproduction sociale. Lors de l’examen du texte en commission, M. le rapporteur a été outré que je mette en doute la pertinence de la méritocratie au sein d’un système éducatif aussi inégalitaire. Or, je le dis et le redis : parmi les élèves entrés au collège en 2007, 4 % des enfants de cadres n’avaient obtenu dix ans plus tard aucun diplôme de l’enseignement secondaire, contre 19 % des enfants d’ouvriers non qualifiés et 38 % des enfants de parents sans emploi !

M. Jean-Philippe Tanguy.

Sur ces dix ans, comptez cinq ans de socialisme !

M. Thomas Ménagé.

Et quel rapport avec l’uniforme ?

Mme Soumya Bourouaha.

Dans la foulée, monsieur le rapporteur, vous avez osé nous citer le rapport Langevin-Wallon, du nom des deux grands scientifiques communistes qui élaborèrent après guerre le projet d’une école ouverte à tous, combattant les déterminismes, formant les citoyens. À l’issue de la seconde guerre mondiale, je le répète, tandis que les communistes contribuaient à ce plan, où étaient donc les futurs fondateurs de votre parti ?

M. Rodrigo Arenas.

Ils étaient encore à Vichy !

Mme Soumya Bourouaha.

Quels étaient leurs projets pour le pays, pour l’école, pour les enfants ? Alors, s’il vous plaît, ne mentionnez plus Paul Langevin ni Henri Wallon : si vous aviez compris leur propos, votre place ne serait pas à l’extrême droite de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Quant à nous, bien évidemment, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Stéphane Lenormand.

M. Stéphane Lenormand.

L’école de la République, je crois pouvoir affirmer sans trop m’avancer que nous y sommes tous attachés ici – une école laïque, ouverte à tous, garante de la transmission des savoirs, qui forme les citoyens éclairés de demain. Le sujet offre bien des aspects et, en vue d’améliorer la politique scolaire, les angles d’attaque ne manquent pas : je citerai pêle-mêle le niveau des élèves, le recrutement des professeurs, la rémunération des personnels enseignants et non enseignants, l’inclusion des enfants handicapés, les inégalités, ou encore l’absence de mixité scolaire.
Cependant, nous ne parlerons aujourd’hui de rien de tout cela, le Rassemblement national ayant préféré s’attacher à un symbole qu’il juge essentiel : l’uniforme. Cette hiérarchie des priorités, notre groupe ne la partage pas ; les arguments avancés par le rapporteur ne nous ont pas davantage convaincus que les références aux propos de Mme Macron. Assurément, il convient que l’école soit par excellence le lieu où l’enfant se voit garantir une protection contre toute forme de discrimination, de moquerie ou de harcèlement, l’école laïque devant en outre le mettre à l’abri des influences politiques, économiques ou religieuses. Ce sont là des conditions indispensables afin que l’institution accomplisse sa mission d’éducation, de sociabilisation, d’émancipation, d’épanouissement de chaque élève. Pour la même raison, l’école doit être le lieu de l’égalité, quels que soient le genre et l’origine sociale et culturelle des enfants ; en ce sens, la neutralité doit demeurer la règle, l’interdiction, depuis 2004, du port à l’école de signes religieux ostentatoires s’inscrivant dans cette perspective.

Mme Marine Le Pen.

Ça marche bien !

M. Stéphane Lenormand.

Notre groupe est très attaché aux valeurs de laïcité et de liberté ; or, si nous voulons qu’elles soient respectées, il nous faut surtout nous assurer qu’elles ont été comprises, ce qui implique d’améliorer l’information, la communication et surtout la pédagogie en la matière. Tel est le rôle de l’école. Pour autant, nous ne sommes ni aveugles, ni naïfs concernant les atteintes à la laïcité signalées ces dernières années, notamment le port de tenues religieuses ou supposées telles. Ce sont là des phénomènes auxquels il importe de réagir, car ils mettent à l’épreuve la capacité de l’institution à établir un dialogue avec les élèves et leur famille, mais les mécanismes dont ils révèlent l’existence sont bien plus profonds et complexes, exigeant une réflexion qui dépasse le cadre scolaire. Ces considérations amènent forcément à se poser la question du port de l’uniforme, mesure dont aucune étude n’a démontré à ce jour l’efficacité.

Un député du groupe RN.

Aucune n’a démontré non plus le contraire !

M. Stéphane Lenormand.

L’imposer dans tous les établissements résoudrait-il les défaillances que je viens d’évoquer ? Le risque serait de masquer les conséquences sans s’attaquer aux causes. Notons également que rien n’interdit à un établissement d’instaurer le port d’une tenue réglementaire ; or ni les familles, ni la communauté éducative ne semblent le réclamer.

Mme Marine Le Pen.

Sauf outre-mer !

M. Stéphane Lenormand.

Plus prosaïquement, la mise en œuvre d’une telle obligation représenterait un défi logistique supplémentaire pour les académies, les établissements, les parents. C’est pourquoi notre groupe souhaiterait plutôt un vrai débat au sujet de la laïcité, de l’égalité réelle à l’école et des moyens nécessaires pour atteindre cette dernière, c’est-à-dire pour rompre les cycles de reproduction sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Afin de pouvoir forger leur personnalité et leur esprit critique, il importe que les élèves soient accueillis dans un environnement bienveillant qui garantisse leur émancipation, leur construction en tant qu’individus au sein d’un collectif. Notre école n’est pas là pour produire des élèves, des citoyens, uniformisés, mais pour les aider à élaborer leur singularité dans le respect de l’autre ; ce qui constitue une nation n’est pas le fait d’être identiques, mais, au-delà des différences, le désir de vivre ensemble. Pour toutes ces raisons, notre groupe ne soutiendra pas la proposition de loi.

Mme la présidente.

La parole est à M. Christophe Marion.

M. Christophe Marion

Comme il est séduisant d’imaginer que l’uniforme ferait disparaître, comme d’un coup de baguette magique (Protestations sur quelques bancs du groupe RN) , tous les maux réels ou supposés de l’école : atteintes à la laïcité, harcèlement, violence, inégalités sociales, concentration des élèves, difficultés en matière de réussite scolaire, et j’en passe !

Mme Marine Le Pen.

Quel bilan !

M. Christophe Marion.

Oublions la pédagogie, les taux d’encadrement, la rémunération des enseignants ; faisons fi du dédoublement des classes de CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+), du dispositif Devoirs faits ou encore de l’opération Vacances apprenantes. Abandonnons les réponses concrètes, efficaces, apportées par cette majorité. La solution, c’est le tissu !

M. Louis Boyard.

Pas tous les tissus !

M. Christophe Marion.

Du moins est-ce ce que suggère ce texte qui, en admettant que l’on consente à croire un tel propos, n’en soulève pas moins plusieurs problèmes. Tout d’abord, le port de l’uniforme scolaire n’est généralisé nulle part, même lorsque la tradition est fortement implantée : aux États-Unis par exemple, seuls 22 % des établissements publics l’imposent, et un tiers en Martinique. Ensuite, il serait payé par les familles ; dans ce cas, quid des amendements que vous aviez déposés dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances et qui prévoyaient 5 millions d’euros pour financer ces tenues ? Souhaitez-vous qu’elles soient gratuites, payantes ? On peine à s’y retrouver. Enfin, vous affirmez vouloir faire de l’école un sanctuaire, reconnaissable à ses contraintes vestimentaires. Y croyez-vous réellement, alors même que le Rassemblement national soutient de manière inconditionnelle la scolarisation au sein de la famille, à la maison ? (Mme Clara Chassaniol applaudit.)

Mme Marine Le Pen.

Et alors ? L’instruction à domicile n’est pas interdite !

M. Christophe Marion.

Le temple républicain et son uniforme ne seraient donc manifestement pas destinés à tout le monde. Surtout, cette proposition de loi s’appuie sur une certaine pensée magique, sur des intuitions, sur des croyances, et non sur des études ou des constats reproductibles. Par exemple, l’uniforme éliminerait les marqueurs sociaux et par conséquent le harcèlement. Connaissez-vous les jeunes, chers collègues ? Sous-estimez-vous à ce point leur capacité à détourner les règles, inventer de nouveaux signes distinctifs ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)Supprimerez-vous également les bijoux, montres, chaussures, sacs à dos ou trousses de marque, les téléphones portables ? Dès lors, ne faut-il pas plutôt faire le pari de l’éducation, encourager la tolérance (Exclamation sur plusieurs bancs du groupe RN) , l’acceptation des particularités de l’autre et ses différences ? C’est en attaquant les problèmes à la racine, non en tentant de les dissimuler, que nous ferons reculer les inégalités et le harcèlement : là réside tout le sens du programme Phare de lutte contre le harcèlement à l’école ou du délit de harcèlement scolaire. Concernant ces sujets, la majorité n’a pas attendu de régler la question du costume : elle avance !
L’uniforme améliorerait les résultats scolaires : c’est faux, toutes les études le prouvent. L’uniforme renforcerait le sentiment d’appartenance à l’établissement : soyons honnêtes, il ne renforcera rien si l’enfant étudie dans un établissement dénué de mixité sociale et qui cumule les difficultés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)En revanche, évitons de créer de nouvelles distinctions, de nouvelles fractures, à l’extérieur de l’école, en rendant l’appartenance scolaire facilement reconnaissable ! Loin d’homogénéiser les élèves, comme vous le supposez, l’uniforme deviendrait alors un facteur de discrimination entre jeunes d’écoles différentes, de quartiers différents.
L’uniforme constituerait le remède aux atteintes à la laïcité, dont on a recensé, au mois de novembre, un cas pour 87 000 élèves : avouez donc que l’argument est faible, s’agissant d’imposer la généralisation d’une tenue. Surtout, celle-ci ne jetterait-elle pas un voile pudique, si j’ose dire, sur un phénomène que la formation des personnels doit nous permettre de percevoir, et la gradation des sanctions de combattre, au lieu qu’il prospère en silence ? L’uniforme, c’est la stratégie consistant à faire le ménage en glissant la poussière sous le tapis ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)

M. Benjamin Lucas.

Voilà !

M. Jean-Philippe Tanguy.

Pas de vagues !

M. Christophe Marion.

Quant à l’argument selon lequel l’uniforme constituerait la pierre angulaire du renforcement de la discipline et de l’esprit patriotique, je préfère répondre avec Ernest Renan que c’est le destin commun qui crée la nation, pas un vêtement totalement étranger à notre tradition, à notre histoire !

M. Antoine Léaument.

C’est l’adhésion au contrat républicain.

M. Christophe Marion.

L’habit, qui n’a jamais fait le moine, ne fera pas davantage l’élève attentif et studieux. Je serais tenté d’ajouter avec un brin de taquinerie que si le costume-cravate rendait calme et discipliné celui qui le porte, nous le saurions mieux que personne.

Mme Stella Dupont.

Eh oui !

M. Christophe Marion.

Néanmoins, soyons justes : il semble que l’uniforme influe sur l’assiduité des élèves, qui, en l’espace d’une année scolaire, assisteraient à une demi-journée ou une journée de cours de plus, ou encore évite des tensions, le matin, lorsque parents et enfants ne sont pas d’accord au sujet de la tenue choisie par ces derniers – j’ai le sentiment personnel que ce conflit, somme toute, reste assez gérable et ne nécessite pas d’immixtion urgente de la loi. Bien sûr, le débat concernant le port de l’uniforme a lieu d’être : il existe d’ailleurs au sein du groupe Renaissance. Mais il doit reposer sur un travail sérieux, sur des études (« Réalisées par McKinsey ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) universitaires, évaluant par exemple les conséquences de cette pratique sur l’épanouissement de la personnalité des adolescents, sur leur construction de soi – et non, comme cette proposition de loi, sur une seule audition.

Mme la présidente.

Merci, monsieur Marion.

M. Christophe Marion.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance s’opposera au texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Frédéric Petit applaudit également.)

Un député du groupe RN.

Mme Macron vous remercie !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard.

L’école, notre école, est une institution de la République. Le vêtement qu’on y porte n’est pas anodin. Il dit, il peut dire quelque chose de l’attachement de l’élève à la communauté scolaire, de son souci de faire corps avec les autres, de la neutralité propice – je dirais même indispensable – à l’apprentissage des savoirs et des valeurs qui font de nous des citoyens. Aujourd’hui, il existe un uniforme dans nos cours de récréation. Un uniforme qui saute aux yeux. Un uniforme qui s’appelle la mode – la tyrannie de la mode. Un uniforme qui est inaccessible à certains de nos enfants, aux plus pauvres, à ceux dont les familles ont tant de mal à payer les factures et parfois même les repas à la cantine.

M. Louis Boyard.

Il faut augmenter les salaires au lieu de faire des cadeaux aux patrons ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

Mme Emmanuelle Ménard.

Eh oui : alors que l’école devrait gommer ou, du moins, tenter de gommer les différences sociales et les écarts de richesse, elle les laisse prospérer ! (Les exclamations se poursuivent.)

Mme la présidente.

Un peu de silence s’il vous plaît, chers collègues.

Mme Emmanuelle Ménard.

La différence entre riches et pauvres saute aux yeux. Les uns portent les chaussures, les blousons et les jeans au goût du jour, qui coûtent cher, alors que les autres doivent se contenter du discount, quand ce n’est pas des habits du grand frère ou de la grande sœur.
C’est pour lutter contre ces discriminations que je suis favorable à l’uniforme à l’école. Et si ce mot ne vous plaît pas, chers collègues, s’il vous paraît ringard ou marqué d’une couleur idéologique qui vous déplaît, choisissez-en un autre. Qui a voyagé dans le monde sait que l’uniforme est présent dans une pléiade de pays : au Royaume-Uni, en Australie, au Canada, en Corée du Sud, au Liban, au Mexique, à Singapour, à Taïwan, au Viêt Nam pour n’en citer que quelques-uns. Et que je sache, il ne s’agit pas de dictatures d’extrême droite !
L’uniforme a une autre vertu : il est le meilleur rempart contre le prosélytisme religieux, le meilleur ami de la laïcité. L’école en a bien besoin quand on connaît les atteintes à la laïcité dans nos établissements scolaires. Les signalements pour le port de tenues religieuses comme les abayas et les kamis sont en hausse constante. Au total, 904 signalements ont été recensés au deuxième trimestre 2022. Le port de signes et de tenues religieux représentait plus de la moitié – 54 % exactement – des signalements en septembre 2022.
Face à ce phénomène, les directeurs d’établissements scolaires ou les professeurs sont parfois désarmés. Il est difficile d’affirmer à coup sûr que telle robe longue a, ou non, une connotation religieuse. Il s’ensuit des polémiques à n’en plus finir, des contestations à répétition. L’uniforme est une réponse. Il n’est pas sujet à interprétation. Il ne réglerait pas la question de la montée de l’islamisme radical dans nos écoles mais il nous aiderait à le circonscrire, à le combattre, et ce n’est pas rien.
Vous me direz que l’école affronte d’autres difficultés, d’autres maux dont l’uniforme en débat aujourd’hui ne viendra pas à bout. Et vous avez raison. Je ne citerai qu’un seul chiffre : selon le ministère de l’éducation nationale, 700 000 enfants sur 12 millions sont victimes de harcèlement chaque année. J’ai évidemment une pensée émue et attristée pour Lucas, 13 ans, qui a subi ce harcèlement et s’est donné la mort. Peut-être le sentiment d’appartenance à une communauté que procure le port d’un même vêtement pourrait-il insuffler un esprit de camaraderie. Ce serait un début de réponse à l’ensauvagement – pour reprendre le mot d’un ancien ministre de l’éducation nationale – qui détruit insidieusement tout notre système éducatif.
Vous l’avez compris, je n’ai pas la naïveté de penser et de prétendre que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répondra à tous les maux qui frappent notre école. C’est une évidence. Je ne le dis pas, et personne ici ne le dit. Elle est juste un bon début. Elle part d’un bon diagnostic : la nécessité de lutter contre les inégalités sociales, d’empêcher que nos enfants ne soient les victimes du prosélytisme de certains et de mettre un frein au consumérisme qui gangrène nos sociétés.
J’ai lu avec attention le compte rendu des travaux de la commission – avec tristesse, mais sans surprise. Une fois de plus, l’opposition à ce texte de nombre de mes collègues n’était motivée que par une simple raison : il est porté par le Rassemblement national. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.) Aux yeux de certains c’est un péché capital, si j’ose dire ! Cette attitude est d’autant plus regrettable quand on sait que 63 % des Français sont favorables au port de l’uniforme à l’école.

Mme Sabrina Sebaihi.

Et combien sont contre ?

Mme Emmanuelle Ménard.

Depuis hier, nous savons que même la première dame y est favorable ! Mais qu’importe ce que pensent les Français, qu’importent nos enfants, on préfère encore une fois la politique partisane, la politique politicienne, l’aveuglement sectaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

M. Sylvain Maillard.

C’est faux !

M. Grégoire de Fournas.

Si, c’est vrai !

M. Emeric Salmon.

Ayez le courage de le reconnaître !

Mme Emmanuelle Ménard.

Et si pour une fois on oubliait de qui provient tel ou tel texte pour se poser la seule question qui vaille : est-ce utile à notre pays et, en l’occurrence, est-ce utile à nos enfants ? Je vous le concède, ce serait une véritable révolution dans cet hémicycle. On a encore le droit de rêver ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente.

La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Je voudrais tout d’abord remercier Maxime Minot et Emmanuelle Ménard pour leur appui et pour leur soutien à cette proposition de loi. Vous avez raison, chère madame Ménard, la tenue uniforme d’établissement a pour but premier de lutter contre les discriminations sociales et la dictature de la mode. Je voudrais que vous compreniez bien, collègues, que nos enfants sont soumis à un véritable rouleau compresseur, par l’intermédiaire de TikTok notamment et des réseaux sociaux en général.

Mme Karine Lebon.

Interdisez TikTok alors !

M. Benjamin Lucas.

Et Snapchat dans tout ça ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Ils sont pris dans un vertige, un tourbillon qui, d’une certaine manière, leur fait perdre complètement toute distance par rapport à eux-mêmes. Vous voulez qu’ils s’expriment, mais qu’ils expriment quoi ? Leur préférence pour telle marque ou pour telle autre ? C’est complètement dérisoire !

M. Benjamin Lucas.

Qu’est-ce que vous en savez ?

M. Roger Chudeau.

Ils sont là non pour exprimer quelque chose mais pour apprendre quelque chose.

Mme Maud Petit.

C’est faible, comme argument.

M. Benjamin Lucas.

Vous méprisez les enfants ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente.

Un peu de silence s’il vous plaît, chers collègues. (Brouhaha sur divers bancs. – M. Benjamin Lucas s’exclame.) Monsieur Lucas, s’il vous plaît.

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Tout ce qui est excessif est insignifiant, mon cher collègue. Je ne relève même pas.

Mme la présidente.

Mes chers collègues, je vous demande de respecter les interventions des orateurs. M. le rapporteur a la parole. Si vous souhaitez vous exprimer, demandez-moi la parole lors de la discussion des amendements et je vous la donnerai éventuellement. Le brouhaha et le bruit qui règnent dans l’hémicycle sont très désagréables. Je vous remercie de bien vouloir en finir avec les invectives.

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Merci, madame la présidente. La dictature de la mode par réseaux sociaux interposés ronge, abîme, détruit, empêche l’acte d’enseignement. Elle empêche l’élève de se concentrer sur ce qu’il doit apprendre. La tenue uniforme d’établissement n’est pas une oppression, c’est une libération. Elle est aussi une novation puisqu’elle n’a jamais existé jusqu’à maintenant dans l’histoire de la République. Si elle est innovante, c’est parce que la situation que connaît le système éducatif est tout à fait nouvelle : jamais notre école n’a été abîmée comme aujourd’hui, rongée de l’intérieur par une force invisible que les enfants ont collée à l’oreille ou aux yeux en permanence. Je suis donc tout à fait d’accord avec Mme Ménard ; vous avez soulevé un très bon argument, ma chère collègue.
J’en viens aux propos de M. Minot. Je pense comme lui que la tenue uniforme d’établissement augmente la confiance des élèves en eux-mêmes et qu’elle les libère du rôle de l’apparence.

M. Sylvain Maillard.

Il y a un rapport ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Elle est également un élément de sécurité, comme me l’a indiqué le proviseur du lycée Schœlcher que j’ai auditionné en visioconférence. Il m’a ainsi expliqué que l’uniforme permettait désormais de faire un tri immédiat entre les élèves de l’établissement et les individus qui souhaitent s’introduire dans l’établissement et commettre des actes de violence : ceux-ci sont immédiatement repérés.

M. Maxime Minot.

Eh oui !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

C’est un argument que, je crois, vous pouvez entendre chers collègues. Je pense aussi, comme mon collègue Minot, que l’uniforme est un élément de la construction d’une communauté scolaire. La communauté éducative, qui figure dans les textes de la République, se constitue également par le port d’une tenue uniforme d’établissement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – M. Maxime Minot applaudit également.)

J’en viens aux arguments qui ont été soulevés par ceux qui s’opposent à la proposition de loi, et commencerai par répondre à M. le ministre délégué. Excusez-moi, je cherche mes notes…

M. Maxime Minot.

Nous, nous cherchons le ministre !

Mme Nadia Hai.

Il travaille !

M. Maxime Minot.

Pas nous ?

M. Joël Giraud.

Le Gouvernement est au banc !

Mme la présidente.

S’il vous plaît chers collègues, un peu de silence.

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Monsieur le ministre délégué, vous avez commencé votre propos en expliquant que cette proposition de loi se voudrait une sorte de baguette magique, comme l’a dit M. Marion, qui réglerait tous les problèmes de l’école. J’ai dit exactement l’inverse ! Je vous ai dit qu’elle ne serait pas la panacée mais un début de résistance, une première pierre dans l’édifice de la reconstruction de notre école républicaine. S’il vous plaît, ne déformez pas mes propos. Quant aux signes distinctifs, vous parlez des chaussures et des sacs : le niveau du débat baisse, lorsque l’on en arrive là. C’est ridicule !

M. Benjamin Lucas.

Et des lunettes !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Oui, des lunettes. C’est n’importe quoi !

M. Rodrigo Arenas.

Quelle ignorance crasse ! Vous ne connaissez pas la réalité !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

La proposition de loi permettra à un conseil d’administration de définir librement la nature de la tenue uniforme de l’établissement. Ce peut être une tenue simple – un t-shirt ou sweat-shirt – ou complète, incluant un pantalon, voire des chaussures.

M. Benjamin Lucas.

Et pour les vestiaires, vous allez uniformiser les slips ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Le choix de la tenue en elle-même relève d’une décision de l’établissement, et non de la loi. En tout cas, cette question n’est pas un argument recevable pour rejeter l’idée même d’une tenue uniforme d’établissement. Vous affirmez ensuite qu’il est déjà possible pour un établissement d’imposer une telle tenue. Eh bien justement ! Si cela est déjà possible et que cela marche très bien, comme c’est le cas en Martinique, généralisons ce qui marche ! Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre délégué, je réfute cet argument – soulevé par plusieurs groupes politiques – sur le fond. Le fait de rendre la tenue uniforme obligatoire est un acte d’autorité. Nous voulons non étendre un droit, mais établir un devoir.

M. Louis Boyard.

Ah ! Voilà : c’est la liberté ou l’autorité. Il réfléchit, M. Chudeau…

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Nous pensons en effet que, l’éducation étant nationale, l’État a le devoir de la protéger et de protéger les élèves. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Louis Boyard s’exclame.)

Quant à la gratuité, l’un des orateurs – je ne sais plus lequel – a cité un chiffre extravagant, estimant que cette mesure coûterait 3 milliards d’euros. N’importe quoi ! Je n’ai jamais vu arriver à l’école un enfant tout nu. Il me semble que les enfants sont habillés par leurs parents, n’est-ce pas ? Cela étant établi, il me semble que si ces derniers achètent une tenue uniforme d’établissement à 8 euros, comme c’est le cas en Martinique, plutôt qu’un t-shirt Adidas ou de je ne sais quelle autre marque à 40 euros, cela ne représentera pas un coût supplémentaire pour eux, mais une économie !

Mme Ségolène Amiot.

C’est exactement l’inverse !

M. Roger Chudeau.

Nous soulageons les finances des parents, notamment de ceux qui ont les plus grandes difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente.

Un peu de calme s’il vous plaît, chers collègues.

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Pour les parents nécessiteux ou rencontrant des difficultés pour boucler les fins de mois, il existe un fonds social collégien qui est encore très largement doté. M. le ministre délégué ne me contredira pas : des dizaines de millions d’euros dorment dans les fonds de réserve. Cet argent est parfaitement utilisable pour aider les familles qui en auraient besoin.

Mme Sabrina Sebaihi.

On pourrait plutôt l’utiliser pour lutter contre l’homophobie et les discriminations.

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Pour les élèves du premier degré, les centres communaux d’action sociale peuvent également apporter cette aide. Ce n’est pas une nouveauté, c’est très banal. Il n’y a aucune raison pour que la tenue soit payée par l’État ou par les collectivités territoriales. Les gens habillent déjà leurs enfants ; ils les habilleront avec une tenue choisie par leur établissement, tout simplement.

M. Louis Boyard.

C’est long !

M. Joël Giraud.

C’est assez…

Mme la présidente.

En avez-vous terminé, monsieur le rapporteur ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

J’en viens aux exemples étrangers. La proposition de loi ne contient aucune référence à un quelconque exemple étranger. Ce qui se passe dans les pays anglo-saxons regarde les pays anglo-saxons ; l’école de la République en France a des problèmes spécifiques qu’elle réglera à sa manière, avec l’État et la représentation nationale, c’est-à-dire en s’efforçant de redresser la barre. Encore une fois, ce texte n’est pas la panacée mais c’est un premier pas vers le redressement de l’école de la République, qui en a grand besoin.

Mme Sabrina Sebaihi.

Vous croyez vraiment que c’est l’uniforme qui va redresser l’école ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Quant à la méritocratie, enfin, je ne vois vraiment pas ce qu’elle vient faire dans ce débat, madame Bourouaha. Je m’étonne beaucoup qu’étant de gauche, vous soyez si remontée contre la méritocratie républicaine. Ce sujet n’a rien à voir avec la proposition de loi mais puisque vous en avez parlé, je me permettrai de vous répondre. C’est la gauche qui a détruit la méritocratie républicaine, et je peux le prouver facilement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est Mme Vallaud-Belkacem qui a supprimé les bourses au mérite.

M. Boris Vallaud.

Ah !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Eh oui, avec Mme Fioraso ! Une bourse de 1 800 euros pour les bacheliers ayant obtenu une mention très bien !

Mme Sabrina Sebaihi.

Elle a bien fait !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

C’est aussi la gauche qui a supprimé les internats d’excellence. (M. Boris Vallaud s’exclame.) N’en faites pas une affaire personnelle, monsieur Vallaud ! M. Blanquer n’a d’ailleurs pas rétabli ces internats puisqu’ils sont désormais qualifiés d’internats de réussite, un mot bateau !

M. Boris Vallaud.

Vous voulez caporaliser la jeunesse car elle vous fait peur !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Vous ne voulez pas que je prononce les noms sacrés de Langevin et Wallon. (« Non ! » sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Vous n’avez pas, madame Bourouaha…

M. Boris Vallaud.

Nous avons le monopole du cœur ! (Sourires.)

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Vous êtes une véritable petite police politique, vous êtes des tchékistes à la petite semaine ! (Rires de M. Roger Chudeau. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est cela votre vraie nature : vous êtes des petits flics de… Enfin, peu importe ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Vous êtes des flics de la pensée !
Paul Langevin et Henri Wallon ont voulu une école juste, ils ont voulu établir l’égalité des chances.

Mme Sophie Taillé-Polian.

Une fausse égalité !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Depuis 1981, à chaque fois que vous avez été au pouvoir, vous avez détruit les instruments de cette égalité. C’est vous qui avez paupérisé le corps enseignant (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) , vous le savez pertinemment : en 1980, les enseignants gagnaient 2,6 fois le SMIC ; ils sont payés 1,6 SMIC aujourd’hui. Où étiez-vous ? (Mêmes mouvements.)

M. Jocelyn Dessigny.

Assumez vos échecs !

Mme la présidente.

Monsieur le rapporteur, merci de ne pas interpeller vos collègues et de vous adresser à la présidence.

M. Antoine Léaument.

C’est lui qui dérape !

Mme la présidente.

Monsieur le rapporteur, veuillez conclure !

M. Roger Chudeau.

J’en ai terminé, madame la présidente. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Discussion des articles

Mme la présidente.

J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de loi, dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Article unique

Mme la présidente.

La parole est à M. Benjamin Lucas.

M. Benjamin Lucas.

Mon propos vaudra pour la défense de notre amendement de suppression no 2 .
Mme Macron nous a parlé hier de sa propre expérience. À peu près au moment où elle était affublée d’un uniforme, le général De Gaulle tenait ces propos, qu’à l’écoute de nos débats je trouve très inspirants : « Il est tout à fait naturel qu’on ressente la nostalgie de ce qui était l’empire, comme on peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages. Mais quoi ? Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités ! »

M. Thomas Ménagé.

Vous, on ne vous regrettera pas !

M. Benjamin Lucas.

Loin de vos obsessions ringardes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN) , de votre nostalgie d’une école d’autrefois fantasmée, l’école d’aujourd’hui a besoin de mixité, de justice sociale, d’égalité des droits – l’égalité des chances étant un concept de casino. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Boris Vallaud.

Il a raison !

M. Benjamin Lucas.

La République, chers collègues, ne s’apprend pas dans les casernes du SNU ou sous les uniformes.

M. Bruno Studer.P

Vous mélangez tout !

M. Benjamin Lucas.

Elle s’éprouve quand sa devise devient concrète dans la vie de chacun de ses enfants. (Mêmes mouvements.)L’appartenance à la communauté nationale naît de l’effectivité des droits, elle ne se fabrique pas en faisant des établissements scolaires des clubs de football ou un remake de Hunger Games. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marine Le Pen.

Mme Marine Le Pen.

Je ne rajouterai rien aux propos très clairs du rapporteur sur les raisons qui ont motivé un texte qui semble recueillir l’assentiment de la majorité des Français, consciente des difficultés auxquelles se trouve confrontée l’école. Encore une fois, si le port d’une tenue uniforme n’a pas vocation à régler tous les problèmes, il vise à résoudre deux difficultés que les parents connaissent bien : la compétition des marques…

Mme Sophie Taillé-Polian.

Et la compétition des écoles, qu’en faites-vous ?

Mme Marine Le Pen.

… ainsi que la pression exercée par les islamistes – pression que chacun constate, ministre compris – qui veulent une différenciation religieuse au sein même de l’école.
Je ne comprends pas l’argument selon lequel le port de l’uniforme ne changera rien, n’apportera rien.

Mme Sophie Taillé-Polian.

Du moins, il entravera la jeunesse !

Mme Marine Le Pen.

Si certaines professions s’exercent en portant un uniforme, c’est bien qu’il sert à quelque chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je pense aux avocats – j’ai moi-même porté la robe – et aux magistrats. Si je puis me permettre, l’uniforme crée la fonction.

M. Benjamin Lucas.

Vous confondez tout ! Vous parlez de personnes majeures !

Mme Marine Le Pen.

On dit que sous la robe, il n’y a ni sexe ni âge. Cela devrait vous faire plaisir, vous qui parlez en permanence de sexe ! ( Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Benjamin Lucas.

On sait ce qui se cache sous l’uniforme !

Mme Marine Le Pen.

Nous voulons que, grâce au port de la tenue uniforme à l’école, la catégorie sociale, la fortune ou la religion disparaissent, qu’il n’y ait que des élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Maxime Minot.

M. Maxime Minot.

Pourquoi sommes-nous là ? Peu importe d’où viennent les idées et les propositions de loi ; seul l’intérêt général doit primer. ( Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

À titre personnel, je n’ai jamais eu aucun problème à voter une proposition de loi d’où qu’elle vienne, de l’extrême gauche ou de l’extrême droite. Je n’ai jamais eu aucun souci avec ça. Aujourd’hui vous êtes plusieurs à stigmatiser ce texte en raison de ses signataires. J’ai moi-même déposé une proposition de loi presque identique en 2018.
Elle allait plus loin car l’obligation concernait aussi les lycéens – j’ai déposé un amendement en ce sens, mais nous n’aurons sans doute pas l’occasion de l’examiner. Vous avez tous rencontré, je crois, des jeunes victimes de harcèlement scolaire, une situation inacceptable à laquelle le port de l’uniforme peut apporter une solution.

Mme Sophie Taillé-Polian.

Il ne résout rien !

M. Maxime Minot.

Je sais que des députés de la majorité sont favorables à cette mesure. Beaucoup avouent qu’ils auraient peut-être soutenu un texte déposé par un autre groupe.

Mme Elsa Faucillon.

Pas nous !

M. Maxime Minot.

Certains sont venus me dire que si cette proposition de loi avait été la mienne, ils l’auraient votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) N’oubliez pas, chers collègues, que c’est l’intérêt général qui doit primer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet.

Le port obligatoire de l’uniforme est un serpent de mer, présenté comme un remède miracle contre les maux qui frappent l’école – harcèlement scolaire, atteintes à la laïcité, discriminations, dénigrement de l’autorité. Pourtant, aucune étude n’a pu établir que le port de l’uniforme améliorait le comportement des élèves, relevait le niveau scolaire ou favorisait un sentiment d’appartenance. L’uniforme serait le symbole d’un État qui impose par l’autorité, là où l’adhésion doit provenir de l’éducation, de la responsabilité des élèves et de leurs parents. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

En réalité, l’uniforme à l’école n’a jamais fait partie de notre tradition républicaine. Le principe de liberté de choix de la tenue vestimentaire s’applique sans discontinuer depuis la loi Ferry de 1882. Rien ne justifie de graver dans le marbre de la loi une pratique qui trouve sa source dans le monde anglo-saxon et que certains établissements – primaires, collèges, lycées – ou certains territoires, comme en outre-mer, peuvent librement choisir d’adopter dans les strictes limites imposées par le législateur. Elle doit être fondée sur des motifs d’hygiène ou de sécurité ; elle doit être proportionnée et assurer l’égalité de toutes et tous.
Quant à la laïcité, la loi de 2004 est limpide ; nous apportons tout notre soutien aux équipes éducatives pour la faire respecter. L’école est le creuset de notre République. Il convient de ne pas nous éloigner de ce qui fonde le vivre-ensemble ( Exclamations sur les bancs du groupe RN)…

M. Jocelyn Dessigny.

Ces trente dernières années, il a pris cher le vivre-ensemble !

Mme Olga Givernet.

… dans un pays où les différences existent, mais où les valeurs républicaines rassemblent. Notre promesse d’émancipation nous impose de rejeter l’article unique. ( Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente.

Sur les amendements de suppression nos 1, 2, 3, 6, 27 et 28, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les amendements identiques nos 1 de M. Inaki Echaniz et 2 de M. Jean-Claude Raux sont défendus.
La parole est à M. Louis Boyard (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) , pour soutenir l’amendement no3.

M. Louis Boyard.

J’ai un message de la part de la jeunesse : « Laissez-nous tranquilles ! » ( Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

M. Jocelyn Dessigny.

Vous représentez les dealers, pas la jeunesse !

M. Louis Boyard.

Vous n’avez pas autre chose à faire ? Récemment, dans la salle d’une classe de primaire de Limeil-Brévannes, il faisait 10 degrés.

M. Thomas Ménagé.

Quel est le rapport ?

M. Louis Boyard.

L’Assemblée nationale s’occupe de voter l’obligation du port de l’uniforme à l’école alors que les salles de classe sont gelées : comment pensez-vous que cela serait pris ? À Villeneuve-Saint-Georges, il manque du papier toilette dans les écoles mais votre priorité est d’imposer l’uniforme ; des familles ont du mal à nourrir leurs gosses mais vous voulez leur faire payer des tenues. À Villeneuve-le-Roi, comme partout ailleurs, il manque des enseignants et les élèves sont entassés dans des classes mais vous pensez que ce serait mieux s’ils portaient les mêmes vêtements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

M. Laurent Jacobelli.

Ils arrêteraient de dealer, c’est déjà pas mal !

M. Louis Boyard.

L’uniforme ne met pas fin aux inégalités. Pour vous, il vaut mieux cacher dessous ces 3 millions d’enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté – tant que cela dissimule la nature antisociale de votre projet politique.
Il serait inexact de dire que cette proposition est rétrograde, puisqu’une telle obligation n’a jamais existé en France.

Mme Estelle Folest.

Les outre-mer font partie de la France !

M. Benjamin Lucas.

Vous êtes plus ringards que rétrogrades !

M. Louis Boyard.

Elle ressemble seulement à votre conception de ce que devrait être la jeunesse : une jeunesse contrôlée, uniformisée, interdite d’exister par elle-même, sans références culturelles propres. Musulmane, elle n’a pas le droit d’avoir de religion ; opposée à vous, elle n’a pas le droit d’avoir d’opinion.
Vous avez trouvé en Brigitte Macron un étrange soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Peut-être a-t-elle passé trop de temps à discuter avec votre ami Gérald Darmanin ?

M. Jocelyn Dessigny.

Mais d’où vient donc votre peur de l’uniforme ?

M. Louis Boyard.

Arrêtez la police du vêtement ! Laissez les jeunes filles s’habiller comme elles veulent ! Remballez votre obsession de mesurer la longueur de leurs jupes ou de leurs shorts ! Rendez les élèves fiers de leur établissement, non en raison d’un faux sentiment d’identité, exacerbé par des uniformes, mais grâce à un enseignement de qualité et à des activités extrascolaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Foutez la paix à la jeunesse ! Elle connaît trop de difficultés pour subir en plus la bêtise du Rassemblement national. (Mêmes mouvements. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

M. Laurent Jacobelli.

La drogue, voilà le vrai problème de la jeunesse !

M. Jean-François Coulomme.

Le RN n’aime pas la jeunesse !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l’amendement no 6.

Mme Cécile Rilhac.

Non, rendre obligatoire le port de l’uniforme n’est pas la solution magique. L’éducation nationale et ses personnels méritent mieux que cela.

Mme Nadia Hai.

C’est une directrice de collège qui parle !

Mme Cécile Rilhac.

Cette mesure figurait dans le programme de la candidate du Rassemblement nationale à la présidentielle. L’idée est de gommer non pas les inégalités mais les différences propres à chaque élève.

Mme Stella Dupont.

Très bien !

Mme Cécile Rilhac.

Que vous le vouliez ou non, l’école est un lieu de mixité, de mélange, de partage et d’enrichissement collectif. C’est un lieu de socialisation où chaque élève, dans sa diversité, apprend à se construire comme individu, mais aussi comme citoyen au sein d’une société.
Sous couvert de lutte contre les inégalités et le harcèlement à l’école, le RN veut en réalité imposer une vision paternaliste autoritaire et oppressive de l’école, que nous ne soutiendrons jamais. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)Lutter contre les inégalités scolaires, ce n’est pas les dissimuler sous une tenue commune, c’est mettre en œuvre des mesures de fond pertinentes pour attaquer les inégalités à la racine. C’est ce que cette majorité fait depuis cinq ans.

M. Jocelyn Dessigny.

En échouant, merci. Où est votre ministre ?

Mme Cécile Rilhac.

Vous supposez qu’un uniforme serait un moyen de lutter contre le harcèlement à l’école. En tant qu’enseignante, principale de collège et députée, j’ai hélas été confrontée à des situations de harcèlement ; jamais elles n’avaient de lien avec les vêtements que portaient les victimes !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Exactement !

Plusieurs députés du groupe RN.

Vraiment jamais ?

Mme Cécile Rilhac.

Je vous ai souvent entendus critiquer des mesures, selon vous trop verticales et déconnectées des territoires. Aujourd’hui, vous proposez de rendre obligatoire une mesure qu’il est déjà possible d’appliquer. Imposer, contraindre, telle est votre méthode ! Pour ma part, je crois au dialogue, à la concertation, à la gouvernance au plus près des territoires et des citoyens.

M. Thomas Ménagé.

Sur les retraites, vous allez l’avoir, le dialogue !

Mme Cécile Rilhac.

Le code de l’éducation autorise les établissements scolaires à imposer une tenue, une obligation de mise dans les outre-mer.

M. Thomas Ménagé.

Qu’est-ce qui la rend nécessaire là-bas et pas ici ?

Mme Cécile Rilhac.

Elle doit répondre à une préoccupation locale et s’inscrire dans un projet pédagogique porté par une communauté éducative. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente.

Les amendements identiques nos 27 de Mme Sophie Mette et 28 de Mme Soumya Bourouaha sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Je vais prendre le temps, madame la présidente, de réfuter les arguments les uns après les autres.
Nous respectons parfaitement les différences culturelles, mais nous souhaitons tout simplement qu’elles restent à la porte de l’école. En réduisant les élèves à leur appartenance, vous faites preuve d’une sorte d’obsession identitaire.

M. Thomas Portes.

Les identitaires, c’est vous !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Pour notre part, nous avons une autre obsession, celle de la communauté éducative et de la communauté nationale. Nous préférons que les élèves laissent leur identité individuelle à la porte de l’établissement pour entrer dans le temple de l’école de la République. Cela nous différencie clairement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

D’une certaine manière, un peu comme dans la publicité de McDonald’s, vous dites aux élèves : « Venez comme vous êtes ! » Pour ce qui nous concerne, nous leur disons : « Venez et devenez quelqu’un par l’instruction et par l’éducation. » (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Dans l’exposé sommaire de votre amendement, monsieur Echaniz, vous soutenez également que la proposition de loi prendrait comme modèle les écoles privées américaines. J’en ai parlé tout à l’heure, cette affirmation est totalement ridicule : cela n’a aucun rapport.
En réalité, si quelqu’un ici s’inspire des États-Unis, c’est bien vous, qui incarnez le wokisme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

Mme Sabrina Sebaihi.

C’est reparti !

M. Benjamin Lucas.

Arrêtez donc avec ça ! Vous ne savez même pas dire ce que c’est !

Mme Cyrielle Chatelain.

Le wokisme n’existe pas !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Si ! Le wokisme nous vient des États-Unis et vous en êtes les parfaits représentants et la parfaite incarnation. Je souhaiterais d’ailleurs citer Christophe Guilluy qui, dans son ouvrage Les Dépossédés , qui vient d’être publié, écrit que le wokisme n’est rien sans le marché, sans le capital – ce qui explique votre alliance avec le macronisme, dernier avatar du capitalisme mondialisé anglo-saxon. Vous êtes bien ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Trotski, que vous connaissez peut-être (Rires sur quelques bancs du groupe RN) , disait pour sa part qu’il y a des idiots utiles.

M. Louis Boyard.

Il vous appelait surtout « fascistes » !

M. Roger Chudeau,, rapporteur.

Je vous le dis franchement, collègues de la NUPES, vous êtes les idiots utiles du capitalisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

M. Rodrigo Arenas.

Monsieur Chudeau, vous nous aviez habitués à mieux !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Insinuer que la tenue uniforme d’établissement instituerait une concurrence entre les établissements et serait de nature à provoquer des bagarres est également très étrange. Auriez-vous honte de porter la tenue uniforme d’un établissement de REP+ – réseau d’éducation prioritaire renforcé ? Franchement ?

Mme Sophie Taillé-Polian.

Quand on n’a pas les ronds pour aller dans un bon collège privé, oui.

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Je ne sais plus qui l’a dit, mais c’est ce que j’ai entendu tout à l’heure. Considérez-vous réellement qu’il serait stigmatisant de porter l’uniforme d’une école publique située en REP ? Si tel est le cas, j’ai honte pour vous. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Je reviens un instant sur vos propos relatifs à l’appartenance et au marquage culturel : l’objet du texte n’est pas de cacher quoi que ce soit, mais d’ignorer les marqueurs et les appartenances communautaires que vous défendez tant. Que vous le vouliez ou non, l’école de la République est historiquement et par construction une école assimilationniste. Aussi le reproche d’uniformisation de la jeunesse est-il totalement ridicule, étant donné que les tenues uniformes seraient choisies par les établissements. Il n’y aurait pas d’uniforme national, ni d’uniforme militaire, mais une tenue d’établissement. Celle-ci pourrait être rose bonbon que cela n’aurait aucune importance, pourvu que l’établissement l’ait choisie.

M. Benjamin Lucas.

Rose bonbon : les socialistes y seraient favorables ! (Sourires.)

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Par ailleurs, il y a un sophisme auquel il faut tordre le cou une bonne fois pour toutes. Vous dites, monsieur le ministre délégué, tout comme Mme Rilhac dans l’exposé sommaire de son amendement, que l’instauration d’un uniforme n’a besoin de faire l’objet d’aucune obligation légale, qu’une telle mesure n’est pas nécessaire, qu’il convient de respecter le choix des établissements, qu’imposer un uniforme est déjà possible, bref que la proposition de loi ne sert à rien.

M. Sylvain Maillard.

C’est vrai !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Il s’agit bien d’un sophisme chimiquement pur ! Les problèmes qui affectent gravement et profondément notre école sont de nature anthropologique. Quel homme voulons-nous au XXe siècle ?

Mme Michèle Peyron.

XXIe !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Un consommateur mondialisé, ou un citoyen de la République française ?
J’ajoute que les problèmes dont souffre l’école sont également de nature civilisationnelle. Voulons-nous une école laïque ou une école communautariste ?
Devant ces questions fondamentales, le groupe Renaissance et le ministère de l’éducation nationale…

M. Sébastien Chenu.

Il arrive quand M. Ndiaye ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

…adoptent une position parfaitement libérale. Vous affirmez que les 43 904 écoles publiques et que les 5 303 collèges publics doivent affronter individuellement ces questions fondamentales et décider seuls de l’adoption, ou non, d’une tenue uniforme d’établissement. J’estime pour ma part que, ce faisant, vous niez à la fois la gravité de la situation et le devoir qu’a l’État – ou la représentation nationale –, surtout dans la mesure où l’éducation est nationale, de prendre par la loi les mesures de protection de l’école qui s’imposent. Il y a là entre nous une différence idéologique fondamentale et manifeste. Vous êtes des libéraux, vous laissez faire, vous laissez aller, vous laissez pourrir, et nous voyons où l’école en est rendue. Quant à nous, nous voulons redresser la barre.

M. Emeric Salmon.

Bravo !

M. Sylvain Maillard.

Et la baguette magique, c’est l’uniforme ?

M. Roger Chudeau, rapporteur.

L’exemple martiniquais, qui a été souvent cité, montre que l’adoption de ce qu’ils appellent une tenue vestimentaire réglementée est plébiscitée, celle-ci ayant même été demandée par les collégiens pour éviter le marquage social. Notre proposition de loi ne vise donc pas à autoriser une pratique jusque-là interdite mais, au contraire, à généraliser un dispositif qui a fait ses preuves.
La liberté de choix continuerait d’exister. Je le reconnais volontiers, ce texte est en partie libéral : l’établissement ou l’école pourrait choisir la coupe ou encore la couleur de la tenue uniforme. Ces questions sont d’ailleurs du ressort des conseils d’école ou d’administration, lesquels, contrairement à ce qui a été dit, par M. Echaniz peut-être, ne sont pas des comités Théodule.

Mme Sophie Taillé-Polian.

Il n’a rien dit, M. Echaniz : un cosignataire de son amendement a seulement indiqué que ce dernier était défendu !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Peu importe, l’un d’entre vous l’a dit. Manifestement, vous ne connaissez pas très bien l’organisation de l’école publique !

Mme Sabrina Sebaihi.

Ça suffit les leçons !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Vous ne connaissez pas les conseils d’administration des collèges, pas plus que vous ne connaissez les conseils d’école. Ce sont pourtant eux qui prennent les décisions. Je vous prie de lire les textes réglementaires et de ne plus parler de comités Théodule : c’est parfaitement déplacé.

Mme Sandra Regol.

Gardez vos leçons de morale !

M. Antoine Léaument.

Quel mépris !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Je terminerai… (« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.)

Ah, vous êtes contents !
Vous avez fait, madame Bourouaha, une caricature du programme de Marine Le Pen.

Mme Sophie Taillé-Polian.

Ça recommence : elle s’est contentée de dire « défendu » à l’appel de son amendement !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Elle n’a peut-être rien dit, mais je réponds à l’exposé sommaire de son amendement de suppression.

Mme Karine Lebon.

Arrêtez de faire durer !

Mme Sophie Taillé-Polian.

Vous répondez à ce qu’elle n’a pas dit !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

Je réponds en effet à sa non-intervention. Je constate d’ailleurs que vous ne prenez même pas la peine de prendre la parole, pas plus que le ministre, qui est tout bonnement absent, ce qui en dit long. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. Thomas Ménagé.

Cela montre l’importance de l’école pour le Gouvernement !

M. Roger Chudeau, rapporteur.

J’ai bien compris que vous allez rejeter cette proposition de loi par l’alliance classique de la carpe et du lapin, c’est-à-dire de Renaissance et de la NUPES, mais peu importe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Vous devriez avoir honte. En tout cas, moi je n’aurai pas honte d’avoir défendu cette proposition de loi.
Le Rassemblement national et moi-même avons décrit un problème. L’école est en danger de mort et vous vous en prenez au messager. Tout cela me fait penser à l’aphorisme de Lao Tseu, que vous connaissez aussi peut-être : Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente.

Je comprends donc, monsieur le rapporteur, que votre avis, à titre personnel, est défavorable sur ces amendements identiques. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué.

Favorable.

M. Thomas Ménagé

M. le ministre délégué est pressé de rentrer chez lui !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Caroline Parmentier.

Mme Caroline Parmentier.

Si le ministre de l’éducation nationale est en retard, c’est peut-être parce qu’il doit récupérer ses enfants à l’École alsacienne ? (Rires sur les bancs du groupe RN.)Quelqu’un pourrait-il d’ailleurs me confirmer que cette école n’a pas imposé un uniforme ?

Mme Sandra Regol.

Sur quoi porte votre intervention ?

M. Jocelyn Dessigny.

Quand on n’a pas la décence de venir !

Mme Caroline Parmentier.

Le port de l’uniforme à l’école, qui traduit un choix de société, est devenu une nécessité. Il favorise un brassage social, mais aussi culturel. Il conforte aussi le sentiment d’appartenance à un établissement et la fierté d’en porter ses couleurs. Pourquoi ce qui serait tellement bien, tellement enthousiasmant pour les compétitions sportives comme la Coupe du monde de football, ce qui favoriserait l’esprit de corps et de solidarité, l’adhésion à un ensemble, ne fonctionnerait pas pour l’école ?
Rappelons que le ministre de l’éducation nationale a refusé de prendre position sur l’abaya. Il a laissé les professeurs se débrouiller seuls alors qu’ils sont soumis à d’intenses pressions sur ces questions. En l’occurrence, ce n’est pas un sujet sensible : c’est un sujet dangereux.
L’école publique doit être un lieu sanctuarisé où le communautarisme n’a pas sa place. Notre enjeu est la défense et la promotion de l’idéal républicain. Cet idéal universaliste consiste à assurer une instruction laïque qui permette d’être Français, non en fonction d’une origine ou d’un déterminisme, mais d’un héritage et d’un état d’esprit. L’uniforme y contribuerait grandement et Brigitte Macron elle-même est d’accord avec cela. Elle y voit aussi le moyen de gommer les différences et d’enrayer en partie le fléau du harcèlement scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente.

Personne ne souhaitant exprimer une opinion contraire à celle de Mme Parmentier, je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 2, 3, 6, 27 et 28.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente.

Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 201
Nombre de suffrages exprimés 196
Majorité absolue 99
Pour l’adoption 105
Contre 91

(Les amendements identiques nos 1, 2, 3, 6, 27 et 28 sont adoptés ; en conséquence l’article unique est supprimé et les amendements suivants tombent.)

Source : Site de de l’Assemblée Nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2022-2023/deuxieme-seance-du-jeudi-12-janvier-2023#2979992

TP, mise en forme, Gonfaron, samedi 14 janvier 2023