De plus en plus de collègues se font attaquer dans leur métier d’enseignant, dans leur fonction de directrice ou directeur d’école ; nous avons ainsi des remontées presque chaque semaine et des adhérents nous demandent des précisions sur la protection fonctionnelle.

Alors nous vous proposons ci-dessous un petit récapitulatif sur l’aide que l’Etat peut apporter à tout fonctionnaire attaqué dans sa vie professionnelle.

Mais ce sera bien au collègue de demander le bénéfice de la protection fonctionnelle à l’administration par une démarche individuelle.

Qu’est-ce que la protection fonctionnelle ?

Victimes d’agressions ou poursuivis pour des faits ne relevant pas d’une faute personnelle, les agents publics ont vocation à être protégés par la collectivité qui les emploie.

L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que les fonctionnaires (ou anciens fonctionnaires) bénéficient, « à raison de [leurs] fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales […], d’une protection organisée par la collectivité publique qui [les] emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire ».

Source : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000043982122/2021-08-26/

Ainsi, l’administration est tenue de protéger ses personnels non seulement en cas d’agression, mais aussi en cas de poursuites judiciaires, civiles et/ou pénales.

Le cas échéant, la protection est organisée par la collectivité publique qui emploie les agents à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire.

Que se passe-t-il en cas de poursuites pénales d’un enseignant ?

Lorsque l’enseignant fait l’objet de poursuites pénales pour des faits qui ne constituent pas une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection (loi n°83-634, art. 11, al. III). Le fonctionnaire entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie également de cette protection.

La collectivité publique est aussi tenue de protéger le fonctionnaire qui, à raison de ces faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de ­composition pénale. Dans ces circonstances, la protection du ministère peut consister en un appui pour organiser sa défense. Elle peut aussi se traduire par le remboursement des frais engagés par l’agent au titre des actions intentées.

Que recouvre la protection en cas de poursuites civiles ?

La loi du 13 juillet 1983 (art. 11, al. II) précise que la responsabilité civile du fonctionnaire enseignant ne peut être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires pour une faute ­commise dans l’exercice de ses fonctions, sauf faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions.

En outre, si un agent est poursuivi néanmoins devant les tribunaux judiciaires pour une faute de service, le ministère devra le couvrir des condamnations civiles prononcées, le cas échéant, contre lui. Les frais exposés par le collègue pourront également être pris en charge par sa collectivité.

En cas d’agression ou de menace contre un agent, en quoi la protection consiste-t-elle ?

La loi du 13 juillet 1983 (art. 11 al. IV) impose à l’administration de protéger le fonctionnaire victime d’une atteinte volontaire à l’intégrité de sa personne, de violences, de harcèlement, de menacesd’injures, de diffamations ou encore d’outrages, à condition que lui-même n’ait commis aucune faute personnelle. Dans de telles ­circonstances, la collectivité employeur doit réparer, le cas échéant, le préjudice qui résulte de ces agissements.

Depuis 2021, la loi impose aussi à l’administration de protéger l’agent dès lors qu’elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à son intégrité physique.

Dès lors, sans délai et à titre conservatoire, des mesures d’­urgence doivent être prises pour faire cesser ce risque et prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque confortant le respect des principes de la République.

A quoi les notions de faute personnelle et de faute de service correspondent-elles ?

L’octroi de la protection fonctionnelle est subordonné à l’absence de faute personnelle. L’­administration doit apprécier elle-même le caractère de la faute commise (faute de service ou personnelle), indépendamment de la qualification donnée dans le cadre de l’instruction pénale, il faut compter 2 mois.

La faute de service correspond à une faute commise par un agent dans l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire pendant le service, avec les moyens du service et en dehors de tout intérêt personnel.

En revanche, la faute est qualifiée de personnelle lorsqu’elle est commise par l’agent en dehors du service.

Une faute commise pendant le service peut également être qualifiée de faute personnelle 

  • si elle s’avère particulièrement incompatible avec le service public,
  • si zllz revêt une particulière gravité,
  • ou encore si elle vise la satisfaction d’un intérêt personnel de l’agent : elle est considérée alors comme une faute personnelle « détachable du service ».

Tous les agents ont-ils vocation à bénéficier de la protection fonctionnelle ?

Le champ d’application de la protection fonctionnelle est très large. La protection fonctionnelle s’applique à tous les agents publics, quel que soit leur mode d’accès aux fonctions y compris aux collègues retraités.

Les proches d’un agent, eux-mêmes victimes d’atteinte volontaire à l’intégrité de leur personne en raison de ses fonctions, ont aussi vocation à bénéficier de la protection fonctionnelle (loi ­n°83-634, art. 11, al. V).

L’administration peut-elle refuser sa protection à un agent ?

Dès lors que les conditions sont remplies, l’administration a en principe l’obligation d’accorder sa protection à l’agent concerné. Ainsi, l’agent victime d’attaque(s) a le droit d’en bénéficier même si son comportement n’a pas été totalement irréprochable.

Toutefois, même si les conditions requises sont réunies et en l’absence de faute personnelle, l’administration peut refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle si l’intérêt général le justifie .

Selon la jurisprudence administrative, un agent qui s’exprime en tant que représentant syndical n’a pas droit au bénéfice de la protection fonctionnelle.

De même, la protection fonctionnelle n’est pas applicable aux différends entre un agent et son supérieur hiérarchique, sauf si les actes de celui-ci excèdent l’exercice normal du pouvoir hiérarchique et révèlent un harcèlement moral.

En revanche, le fonctionnaire candidat à des élections municipales peut bénéficier de la protection fonctionnelle concernant des propos tenus à son encontre durant la campagne électorale, dès lors qu’ils sont en lien avec ses fonctions.

Comment assurer la protection de l’agent ?

L’autorité administrative, pour nous le ministère via la DSDEN, compétente doit prendre les mesures nécessaires, sous le contrôle du juge et compte tenu de l’­ensemble des circonstances de l’espèce.

Ces mesures peuvent consister à réaliser des actions de prévention et de soutien pour éviter la réalisation d’un dommage pour l’agent ou toute aggravation du préjudice, ou encore à assurer la sécurité, le soutien et la prise en charge médicale de l’intéressé.

Plus concrètement, l’administration pourra, par exemple, changer le numéro de téléphone professionnel de l’agent, envisager un changement de service… Ses supérieurs pourront également assurer l’agent de leur soutien en lui adressant un courrier ou en le recevant personnellement, ou encore en diffusant un communiqué de soutien.

En outre, un agent diffamé peut exercer un droit de réponse dans la presse : c’est toutefois à l’administration de l’y autoriser et d’apprécier si une telle modalité de protection est appropriée.

D’autre part, l’agent peut obtenir directement auprès de l’administration l’­indemnisation du préjudice subi, avant même qu’une éventuelle action contentieuse soit engagée à l’encontre de l’auteur de l’attaque, à charge pour l’administration de réclamer ensuite ces sommes à l’auteur des faits (action de subrogation, loi n°83-634, art. 11 al. VI).

L’agent peut aussi choisir d’­obtenir le paiement de dommages-­intérêts dans le cadre de la procédure juridictionnelle (civile ou pénale).

Enfin, le décret du 26 janvier 2017 fixe les modalités de mise en œuvre de la protection fonctionnelle et précise les conditions de prise en charge des frais et honoraires d’avocat exposés par les agents publics ou anciens fonctionnaires ou leurs ayants droit dans le cadre des instances civiles ou pénales.

L’agent peut-il librement choisir son avocat ?

L’agent est libre du choix de son avocat.

S’il le désire, l’administration peut néanmoins l’accompagner dans le choix de son défenseur.

Il doit communiquer à la ­collectivité publique le nom de l’avocat, qu’il a librement choisi, et la convention conclue avec lui.

En outre, sans préjudice de cette convention, la collectivité publique peut conclure une convention avec l’avocat désigné ou accepté par le demandeur et, le cas échéant, avec le demandeur (décret n°2017-97, art. 4 et 5).

Comment faire une demande de protection fonctionnelle ?

Le collègue victime d’une attaque ou poursuivi devant une juridiction pénale pour faute de service doit en informer l’administration compétente. Il lui appartient de formaliser sa demande de protection par un courrier adressé au recteur d’académie, sous couvert de son IEN.

Une lettre recommandée avec A/R est le moyen privilégié.

Madame, Monsieur le (supérieur hiérarchique),

J’ai l’honneur de vous informer des événements survenus …

En conséquence j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir m’assurer la protection juridique (art 11 du statut général, loi 83-643 du 13 juillet 1983) et me garantir le paiement d’un avocat que je vais choisir.”

Cette demande sera motivée et se doit de contenir toutes les précisions utiles sur les faits ou les poursuites visées.

Afin d’éviter d’avoir à avancer d’éventuels frais d’avocat ou le montant de condamnations civiles, il est préférable de formuler la demande de protection avant d’intenter un procès contre l’auteur des attaques ou dès qu’il a connaissance du déclenchement de l’action civile ou pénale engagée contre lui. 

Si l’administration accepte la demande de protection, elle doit indiquer les modalités envisagées pour la mettre en œuvre.

Quel que soit le type de protection accordée, l’administration doit veiller à mettre en œuvre des moyens matériels et une assistance juridique les plus appropriés pour assurer la défense de l’intéressé.

En cas de refus, elle doit en informer explicitement l’agent mais il est possible de faire un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux avec notre aide ou de tout autre syndicat.

Source : LGDC, mise en forme Thierry PAJOT, Gonfaron, 13 mai 2023