Par Antony B., directeur d’école

Depuis la loi du 11 février 2005, les élèves en situation de handicap doivent être inscrits dans leur école de référence.

Les différents gouvernements successifs ont décliné cette loi pour arriver à « l’École Inclusive » (Loi du 8 juillet 2013) où tous les élèves en situation de handicap doivent être scolarisés dans leur école de référence.

Cela induit que tous les élèves, sans exception, doivent être scolarisés.

C’est là que se met en place le loooooong chemin de croix pour les élèves, les familles, les enseignants, les directeurs, les AESH…

Nous avons pu constater, ces dernières années, une explosion des élèves dit « à Besoins Educatifs Particuliers » dans nos écoles. Ces difficultés au regard de la scolarité varient du simple besoin de différenciation, d’adaptation pédagogique dans la classe à des troubles des apprentissages (le champ des « dys »), du comportement, moteurs, de l’audition, de la vue, du spectre autistique, etc…

Pour les élèves les plus en difficulté, soit après avoir éprouvé toutes les remédiations en classe, avoir fait appel au RASED (Réseau d’Aide et de Suivi des Elèves en Difficulté), avoir fait une équipe éducative avec la famille, avoir fait un bilan avec la Psychologue de l’Education Nationale, avoir demandé un bilan orthophonique, Neuropédiatrique, en Psychomotricité, orthoptique, etc…(avec des délais de 6 à 18 mois !), avoir fait appel aux différents réseaux d’appui selon le trouble, l’EMAS… soit les familles avaient déjà conscience des besoins et des difficultés, un dossier MDPH est constitué pour qu’ils puissent être accompagnés d’une AESH en classe ou avoir le financement des séances d’ergothérapie voire obtenir une proposition d’orientation en ULIS, IME, IEM, ITEP, etc.

De nouveau, cela coince…

Car en parallèle du nombre croissant de notification MDPH :

  • Le nombre d’ AESH augmente tellement peu que le nombre d’heures effectives d’accompagnement s’amenuise. Les AESH papillonnent dans les différentes classes et n’arrivent parfois qu’à dégager 2h d’accompagnement pour un élève par semaine,
  • Les élèves ayant une proposition d’orientation se voient inscrit sur une longue liste d’attente et/ou les structures concernées ferment les unes après les autres (par ex : IME) et ils finissent par ne plus avoir l’âge requis pour pouvoir intégrer le dispositif ou atterrissent dans le meilleur des cas en ULIS.

Cela fait donc accroître le nombre d’élèves à gros besoins dans les écoles avec des AESH, des enseignants non formés ayant de moins en moins de temps à leur consacrer, avec dans le pire des cas, une dégradation du climat des classes, un essoufflement des personnels et le sentiment de s’épuiser dans des démarches qui n’aboutissent à rien de concret.

En voici d’ailleurs une illustration :

Un élève de CE2 pose de gros problèmes de comportement : se déplace dans la classe, se déplace en faisant des bruits d’animaux, se sauve de la classe, renverse le matériel de sa table, des autres tables, etc…

Durant une année, tout y passe. Les demandes d’aides au RASED, les bilans psy, les équipes éducatives, l’appel au dispositif d’appui pour la gestion des élèves à troubles du comportement, un suivi psy pour enfin aboutir à la rédaction d’un dossier MDPH avec demande d’orientation en ITEP, accompagnement du SESSAD.

En parallèle, une IP (Information Préoccupante) a été rédigée par l’un des services (CMP) avec procédure d’accompagnement éducatif.

L’année suivante, la notification MDPH arrive avec proposition d’orientation en ITEP, d’AESH
mutualisée en attendant l’orientation et attribution du SESSAD. Super nouvelle !!

La famille prend contact avec l’ITEP du secteur. L’élève concerné est mis sur liste d’attente…

Un protocole de gestion de crise est mis en place, une AESH mutualisée est attribuée (une
douzaine d’heure par semaine) et l’équipe enseignante patiente, un jour à la fois, en attendant la fameuse place en ITEP.

En parallèle, le SESSAD n’a pas de place mais le CMP continue avec suivi psy, de l’orthophonie et des travaux de groupe qui réduisent quelque peu le temps de présence à l’école.

Des crises régulières à gérer mais l’espoir de l’ITEP fait tenir…

Au fil de l’année, la mesure éducative est mise en suspens (Problème de personnel disponible), le CMP continue mais toujours pas d’ITEP.

Puis arrive l’année de CM2.

Toujours pas de SESSAD mais le CMP est toujours en place. Les moyens AESH sont un peu plus adaptés et un service civique vient compléter le temps manquant. Vu le profil de l’élève, il était nécessaire qu’il y ait toujours 2 adultes dans la classe. (Deux AESH se relaient pour ne pas être épuisées…). Toujours pas d’ITEP…

L’année se passe avec des hauts, des bas, des crises… mais qui restent globalement gérables.

Jusqu’au jour où il lui prend l’envie de mettre sa table sur sa tête et menace son voisin avec !!

Relance de l’ITEP, appel au pôle ressource, sollicitation de l’IEN ASH… pour n’avoir comme
réponse que : « Avez-vous fait appel au dispositif d’aide et d’appui pour la gestion des élèves à
troubles du comportement ?? ».

(Retour à la case départ…)

Mais, lueur d’espoir, il y a l’EMAS, nouveau dispositif ! (Equipe Mobile d’Appui médico-Sociale)

Mail envoyé… prise de rdv en mars ! La réunion a lieu, les échanges sont constructifs et des visites sont programmées.

En parallèle, un lien est fait entre les différents professionnels qui gravitent autour de l’élève. Suite à de nouveaux faits, une nouvelle IP est rédigée en lien avec l’ADAE mais toujours pas de place en ITEP.

Puis juin arrive et un bilan des visites est réalisé :

Même constat concernant l’élève… Il a un vrai trouble du comportement. L’enseignante de la classe a une très bonne posture et fait tout ce qu’il faut. Rien à ajouter… Une transition sera faite avec le collège car cela va être compliqué !

Conclusion de 3 années de galère et de démarches incessantes pour en arriver au résultat : « Dites-moi ce dont vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer !!! »

8 novembre 2023