Lettre ouverte du Syndicat des Directrices et Directeurs d’École à Monsieur le Ministre de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports sur la gestion du Covid dans les écoles primaires à la rentrée de janvier 2022.
Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports,
Les fondations du protocole dans les écoles mis en place depuis seulement 3 jours s’ébranlent en raison de la situation sanitaire actuelle. Une nouvelle FAQ vient d’ailleurs de sortir ce soir même, la troisième en l’espace de 7 jours. Les directrices et les directeurs d’école ont le sentiment de jouer à un jeu de société dont les règles changent du jour au lendemain, mais personne ne les informe de ces nouvelles règles ; c’est à eux de les chercher.
Le #S2DÉ demande un retour rapide au protocole utilisé entre septembre et novembre, dans lequel un cas positif entraînait la fermeture de la classe.
Sur l’infographie que vous nous avez transmise lors des vacances d’été, sur laquelle il y avait 4 niveaux, même au plus bas niveau, et alors que le niveau épidémique était très faible, un cas positif entrainait immédiatement la fermeture de la classe pour une durée de 7 jours.
Depuis le lundi 3 janvier 2022, nous appliquons, le plus sérieusement possible, un protocole dont nous avons pris connaissance la veille et dans le meilleur des cas, si nous étions connectés aux réseaux sociaux, vers 16 heures ou si nous avons consulté notre boîte mail professionnelle vers 19 heures. Nous allons d’ailleurs devoir appliquer un nouveau protocole dès demain…
Nous avons essayé, encore une fois du mieux possible, en tant que directrice ou directeur d’école, d’informer les parents de manière simple et claire, eux qui pourtant ont eu les informations en même temps que nous.
Cette information aux familles des élèves de nos écoles a été réalisée dans l’urgence la plus totale dès le lundi matin de la rentrée quand un enseignant de l’école était absent car cas contact, ou simplement positif ou en arrêt pour garder son propre enfant positif.
Nous avons été dubitatifs en lisant ce protocole et la mise à jour de la FAQ, dans lesquels aucune distinction n’était appliquée concernant les cas contacts, qu’ils soient à l’école ou au sein du même foyer.
Mais en tant que fonctionnaire de l’état, nous avons appliqué le protocole à la virgule près, rassurant les parents sceptiques et expliquant aux parents qui ne comprenaient pas, les nouvelles règles.
Nos écoles étaient déjà depuis mi-novembre un terrain de jeu pour le virus qui s’y développait avec force et fracas ; cependant nous avons appliqué comme toujours les consignes sanitaires nationales.
Certains d’entre nous ont eu, depuis cette rentrée de janvier, des consignes locales parfois différentes des règles nationales d’isolement reçues de votre ministère. Ces consignes qui venaient d’Inspecteur de l’Éducation Nationale, de médecin scolaire ou de cellule COVID, donnaient des directives différentes comme sur la durée d’isolement des cas contacts intrafamiliaux : 17 jours, 14 jours ou seulement 7 jours. Qui devions-nous croire ?
Nous sommes stupéfaits également de constater que d’un isolement de 17 jours pour les cas contacts intrafamiliaux, nous sommes passés désormais à une absence totale d’isolement, comme nous avons été surpris de constater qu’une classe ne ferme plus au troisième cas positif.
Ces consignes ont été pour certaines démenties, pour certaines modifiées avant l’officialisation mercredi 5 janvier sur le site du ministère de la Santé d’une seule catégorie de cas contact, pour lesquels un test à J0, puis à J2 puis à J4 est demandé.
Monsieur le Ministre, vous prônez une école de la confiance et de la bienveillance.
Où se situe cette bienveillance à l’égard de nos élèves, qui, sur une période de 5 jours, doivent se faire tester au moins 3 fois ?
Où se situe cette bienveillance à l’égard des parents de nos élèves à qui l’on promet la gratuité et la distribution automatique des autotests à la suite du test à J0 et qui entendent également des informations dans la presse pour un accueil des enfants de soignants deux jours avant l’information officielle reçue seulement ce soir ?
De rares pharmacies donnent actuellement ces autotests dont les familles ont pourtant besoin. Au mieux, elles les vendent aux parents, au pire, elles sont en rupture de stock.
Pourtant, même sans bienveillance à leur égard, ils nous font pour la plupart tellement confiance qu’ils gardent souvent par précaution leurs enfants quand il y a un cas positif au sein du foyer.
Où se situe la bienveillance face aux enseignants, qui sont là chaque jour afin de maintenir les écoles ouvertes, sans aucun moyen humain (pas ou peu de remplaçants) ni matériel (où sont les capteurs de CO2, les purificateurs d’air, les masques, les autotests) ?
Où se situe la bienveillance face aux enseignants qui côtoient chaque jour 25 à 30 élèves qui ont du mal à porter correctement le masque au mieux, ou qui se retrouvent pour les enseignants de maternelle face à un public non-masqué qui est complètement incapable de respecter les gestes barrière ?
Ces mêmes enseignants sont très exposés face au virus, nos collègues de maternelle sont en danger. Ils n’ont pas suffisamment de moyens de protection efficace par rapport au virus ; ils ne sont pas protégés dans le cadre de leur métier et leur santé est mise personnellement en jeu.
Où se situe la bienveillance par rapport aux directeurs qui sont devenus des médecins, des spécialistes du contact-tracing, des spécialistes des protocoles et de la communication aux parents, des vérificateurs de tests négatifs ou d’attestation sur l’honneur, qui doivent vérifier au portail chaque matin dans le cas d’un élève positif dans une classe 25 tests négatifs par classe ?
Comment peuvent-ils encore faire classe (pour 80 % d’entre eux qui ont la charge d’une classe), sans aucune aide administrative alors que presque chaque jour, ils doivent écrire un courriel ou téléphoner aux parents de toute une classe afin que ces derniers puissent venir récupérer leur enfant cas contact d’un camarade de classe ?
Les 45 000 directeurs et directrices sont consciencieux et savent qu’ils ont un rôle à jouer dans la gestion de cette crise.
Pour autant, ils ne sont ni ménagés, ni reconnus, ni encouragés, ni aidés. Ils sont seuls et n’ont souvent que peu de réponses de leur hiérarchie ou des cellules départementales dédiées au virus.
Ils se soutiennent entre eux, s’entraident, au détriment de leur famille et de leurs propres enfants depuis presque deux ans.
Le pays est désorganisé et débordé face à cette épidémie, les écoles ne dérogent pas à cette règle.
Les enfants sont extrêmement contaminants et la situation épidémique est incontrôlable, que ce soit dans les écoles ou dans le pays tout entier.
Ce postulat est indiscutable.
Vous avez choisi de laisser les écoles ouvertes, aussi pour qu’elles soient de vrais sanctuaires d’apprentissage comme vous aimez le rappeler, nous ne pouvons laisser ces sanctuaires sans les moyens de leurs ambitions.
Les besoins humains et matériels sont immenses. Or, le « quoi qu’il en coûte » n’est pas en place dans l’Éducation nationale. Nous n’avons toujours pas les moyens de faire fonctionner nos écoles correctement.
De nombreux enseignants sont positifs ou cas contacts, le nombre de classes fermées est très important faute de remplaçants et d’anticipation sur les créations de postes en nombre suffisant pour y pallier.
Si le virus continue sa propagation fulgurante et que dans le même temps le protocole sanitaire ne change pas à l’école, de nombreux directeurs et directrices ne pourront plus physiquement et psychologiquement continuer de mener à bien cette triple carrière d’enseignant, de directeur et de personnel de santé qu’ils sont devenus depuis presque 2 années.
A force de ne plus voir aucun côté positif à leur mission, ils démissionneront ou ne seront plus en état de piloter leur école. Nous ne pouvons plus lire ou entendre que tout va bien au niveau sanitaire dans les écoles de notre pays. Non, tout ne va pas bien, loin de là.
Nous vous demandons donc de revoir votre protocole et de revenir à un règlement simple, lisible et facilement compréhensible : un cas positif dans une classe et cette classe ferme une semaine. L’enseignant de cette classe prendra en charge l’enseignement en distanciel préparé dans chaque école dans le cadre du plan de continuité pédagogique.
Veuillez Monsieur le Ministre de l’Éducation, agréer nos salutations les plus respectueuses.
Florence COMTE, Porte-parole et Thierry PAJOT, Secrétaire Général du Syndicat des Directrices et Directeurs d’École au nom du Bureau National du #S2DE.