Max BRISSON, ancien Inspecteur général de l’Éducation Nationale, actuel sénateur des Pyrénées-Atlantiques et Vice-Président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a déposé le 8 février dernier sur le bureau du Sénat, une Proposition de Loi intitulée “Pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité“.

Cette Proposition de Loi comprend 12 articles que nous résumons ici (22 amendements ont déjà été déposés en commission au Sénat) ; le texte sera débattu le 12 avril prochain en séance publique.

Voici en introduction les propos du sénateur BRISSON pour expliquer le pourquoi du dépôt de sa proposition, texte contresigné par de nombreux sénateurs républicains :

“Dans son rapport du 14 décembre 2021 intitulé Une école plus efficacement organisée au service des élèves, la Cour des comptes établit un constat implacable : « la performance globale du système éducatif français, appréciée par les évaluations internationales, reste médiocre malgré l’importance des moyens mobilisés ». 

De même, le 22 décembre 2022, le ministre de l’Éducation nationale, dans sa tribune « Pourquoi nous devons réformer l’école » indique : « Les constats sont durs. […] Un Français sur deux ne fait pas confiance à l’institution scolaire, bien que les trois quarts d’entre eux fassent confiance aux professeurs.»

Le constat de crise de l’école ne fait plus débat. Perte de confiance des familles et des élèves, malaise des personnels de l’Éducation nationale, crise d’attractivité du métier d’enseignant, atteintes quotidiennes à la laïcité pourtant pilier de la République, sont autant de manifestations d’une institution affaiblit qui peine à trouver un nouveau souffle.

La Cour des comptes relève que «les systèmes scolaires les plus performants sont ceux qui donnent le plus de place à chaque établissement, fédérant à ce niveau la communauté éducative autour d’un projet commun qui encourage les enseignants à être novateurs et à améliorer leur performance et celles de leurs collègues ». Or, seules 10% des décisions éducatives sont prises au niveau des établissements, alors même que collèges et lycées sont dotés d’un conseil d’administration qui délibère et vote un budget chaque année. Ce chiffre descend à 2% concernant les décisions prises en autonomie totale.

Et pour cause, toutes les réformes de notre système éducatif, entreprises depuis 60 ans, n’ont eu pour objectif que d’aménager un système vertical, uniforme et oublieux des particularités des établissements alors qu’aucune école, aucun collège, aucun lycée ne se ressemblent.

Il apparaît désormais à l’aune des diagnostiques posés sur une institution scolaire en grandes difficultés que l’autonomie doit s’imposer comme l’antidote aux maux de l’école. Donner une plus grande liberté aux écoles, aux directeurs et aux professeurs est incontournable pour promouvoir le mérite et l’égalité des chances.

Ainsi, s’inspirant de la réforme d’ampleur du système éducatif britannique engagée à partir de 2010, visant à favoriser l’autonomie des établissements, cette proposition de loi prévoit, dans le cadre des expérimentations de l’article 37-1 de la Constitution, de poser les fondements de la création d’un modèle d’organisation des écoles publiques entièrement nouveau : les établissements publics autonomes d’éducation

Ces établissements publics autonomes d’éducation, avec les collectivités territoriales volontaires et les recteurs auront la possibilité de passer un contrat portant notamment sur l’organisation pédagogique et les dispositifs d’accompagnement des élèves, l’affectation des personnels, l’allocation et l’utilisation de moyens budgétaires et enfin le recrutement des élèves.

Dans cette démarche, elle confère également une autorité hiérarchique aux directeurs des écoles maternelles et élémentaires. Cette proposition met en place des contrats de mission pour les enseignants afin de donner plus de souplesse dans leurs affectations et de permettre aux établissements de répondre à des besoins qui leur sont spécifiques.

Cette proposition de loi prévoit donc de séparer la formation des professeurs du second degré de celle de leurs collègues du premier degré afin de mieux préparer ces derniers aux apprentissages des savoirs fondamentaux. Elle prévoit également que le Ministère de l’Éducation nationale crée un service public de soutien scolaire, assuré par la création d’une réserve éducative. Cette disposition permettrait d’élargir l’accès des élèves au soutien scolaire.

De plus, l’égalité des chances passe aussi par les territoires. Aussi, il est prévu que les communes faisant partie d’une zone de revitalisation rurale bénéficient du dispositif REP- REP+. Pour les communes rurales n’appartenant pas à une unité urbaine ou situées dans une aire urbaine de moins de 5000 habitants, il est prévu que le conseil municipal puisse donner son avis lorsqu’il est envisagé de fermer une classe et, en cas de vote défavorable de sa part, qu’un moratoire pour l’année suivante soit prononcé. (…)

Ce texte propose donc de réaffirmer avec force le principe de laïcité au sein de l’école. Pour ce faire, il prévoit d’étendre le cadre de la loi de 2004 en faisant appliquer la neutralité politique et religieuse aux accompagnateurs lors des sorties scolaires

Enfin, la présente proposition de loi souhaite renforcer une culture commune fondée sur le respect et l’égalité. En conséquence, elle prévoit l’obligation du port d’une tenue vestimentaire d’établissement scolaire. (…).”

Voici le résumé de chaque article :

  • Article 1 : Les bases de l’expérimentation (5 ans) sont posées dans cet article avec la nécessité pour les écoles et les collectivités locales volontaires d’obtenir le statut d’établissement public. La demande pour obtenir ce statut sera formulée par le conseil de l’école.
  • Article 2 : L’autorité hiérarchique est présentée en remplacement de l’autorité fonctionnelle des directeurs d’école.
  • Article 3 : Possibilité de recrutement des enseignants par l’établissement.
  • Article 4 : Création des  écoles supérieures du professorat des écoles.
  • Article 5 : Dissociation des INSPE en 2 : Premier Degré et Second Degré.
  • Article 6 : Création d’un service public de soutien scolaire avec des professeurs volontaires, la réserve éducative et des associations.
  • Article 7 : Création de la réserve éducative.
  • Article 8 : Égalité des mesures en faveur des écoles en Zone d’Education Prioritaire et en Zone de Revitalisation Rurale.
  • Article 9 : Le conseil municipal des communes rurales donnerait son avis pour la fermeture d’une classe (avec moratoire d’un an si désaccord avec la DSDEN).
  • Article 10 : Port des signes religieux interdit par les parents accompagnateurs même lors des sorties scolaires sans tâche éducative donnée aux accompagnants.
  • Article 11 : Mise en place d’un uniforme dans les écoles volontaires.
  • Article 12 : Le financement de cette expérimentation sera compensé par une taxe additionnelle sur la vente de tabac.

On pourrait penser que cette proposition de loi sera rejetée très largement lors de son passage à l’Assemblée Nationale mais la majorité relative actuelle a besoin du Sénat (à majorité de droite) et des députés LR lors des votes futurs…

Alors méfiance… et l’article 9 qui obligerait les DSDEN à demander l’aval de tout conseil municipal pour une mesure de carte scolaire, va avoir un accueil très favorable dans les communes rurales.

Il est à noter que désormais pour réformer l’Education Nationale, la règle serait d’entrer par l’expérimentation… avant toute uniformisation des mesures…

Nous serons reçus prochainement au Sénat par le Président LAFON en charge de l’Éducation, nous évoquerons avec lui le parcours futur de cette proposition de loi tout en interrogeant en parallèle nos adhérents pour recueillir leurs avis.

Thierry PAJOT, SG, 2 avril 2023, Gonfaron

Source : http://www.senat.fr/leg/ppl22-320.html